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moyens ; vous devrez surtout vous efforcer de saisir les chefs de famille et les jeunes gens, et de les distribuer sur les navires à raison de deux par tonneau autant que possible[1]. »

Ceci s’accorde d’ailleurs parfaitement avec ce que nous avons lu plus haut, dans la lettre du 8 août à Monckton : « Vous devrez… faire tous les efforts possibles pour réduire à la famine ceux qui tenteraient de se cacher dans les bois. »

Le plus grossier éleveur de bétail, l’ignare bouvier indien des pampas de l’Amérique du Sud, agissent plus humainement envers leurs troupeaux que ne faisait Lawrence envers les Acadiens. Et voilà l’homme que Parkman voudrait nous forcer à admirer : pour mieux réussir à nous imposer l’estime de ce personnage, l’historien américain a omis tout ce qui pouvait le discréditer et le faire voir sous son vrai jour. Il s’est bien gardé, par exemple, de reproduire sa lettre à Monckton, ou aucune de ses parties essentielles ; cette lettre, il la résume en quatre lignes, coupant en deux, par un procédé qui lui est familier, la phrase que nous venons d’analyser : « Le Conseil en étant venu à une décision, Lawrence en communiqua le résultat à Monckton, et lui commanda de saisir tous les adultes mâles des environs de Beauséjour ; ordre que celui-ci exécuta promptement, ainsi que nous l’avons vu[2]. »

Quel pouvait être le motif de Lawrence en donnant un ordre aussi barbare ? Craignait-il que la confusion qui pourrait résulter de la réunion des familles ne permît à quelques-

  1. Akins. P. 275. Halifax. 11 August 1755. Instructions for major John Handfield etc. — Des ordres identiques avaient été envoyés à Winslow et à Murray.
  2. Montcalm et Wolfe. i. viii. Removal of the Acadians. P. 276