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vaient espérer dans le succès des armes françaises ; les seconds étalent sous la dépendance absolue des Anglais ; ils ne pouvaient attendre ni appui ni secours de la part des Français, qui alors étaient défaits, humiliés, et chassés de toutes leurs positions sur hi Baie de Fundy. Placés dans une telle situation qui ne leur offrait aucune issue favorable, l’on oserait avancer qu’ils aient pu être dangereux, et comploter de troubler la paix ! Mais la chose est invraisemblable, ridicule à l’extrême !

Si cet argument ne tranche pas la question, il devient inutile de raisonner par induction. Lawrence connaissait trop bien les dispositions des Acadiens pour en douter un instant ; et c’est lui-même qui, dans la déclaration que nous avons citée vers la fin du chapitre précédent, nous en fournit la preuve indiscutable.

Mais alors, comment expliquer la conduite de ce gouverneur ? La réponse est simple : par des motifs d’intérêt. Et si cela n’est pas encore suffisamment clair, cela le sera bientôt. Car, si concluant que soit tout ce que nous venons de dire, ce n’est encore qu’un fragment de notre preuve.

Il y avait déjà près d’un an que Lawrence avait décidé dans son esprit la déportation en masse des Acadiens. Il attendait l’occasion favorable : cette occasion, il la préparait avec une patience de taupe, et avec toute l’habileté que Clive et Hastings déployaient vers le même temps à l’égard des populations de l’Inde[1]. Les imaginations, en Angleterre, étaient alors vivement exaltées par les récits éblouis-

  1. Robert Clive (1725-1774) a été le fondateur des Indes anglaises.

    Warren Hastings (1732-1818) fut le premier gouverneur général des Indes anglaises. Cf. entr’autres, India through ages, by F. A. Steel. Part 111. The modern age. (London. Geo. Boutledge & Sons 1909.)