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prendre les armes, nous aurions également la preuve que ceux qui les prirent forcément, sous le coup de cruelles menaces, lorsqu’ils se trouvaient, par leur situation particulière, sous la dépendance absolue des autorités, provoquèrent cependant la capitulation de Beauséjour par leur refus de combattre au moment suprême. Quant aux Acadiens, disait un article de la capitulation, comme ils ont été forcés de prendre les armes sous peine de mort, on leur pardonnera.

Comme l’on a pu s’en rendre compte d’après ce qui précède, Lawrence ne se trompait pas, lorsqu’il écrivait aux Lords du Commerce, au commencement de son administration : « Je crois que la grande majorité des habitants se soumettraient à n’importe quelles conditions plutôt que de prendre les armes d’un côté ou de l’autre[1]. » L’on voit par là qu’il les connaissait bien, et qu’il jugeait fort correctement de ce que serait leur attitude, le cas échéant. Cette opinion de Lawrence doit cependant paraître étrange. Pourquoi les Acadiens n’auraient-ils pas pris les armes en faveur des Français ? N’étaient-ils pas les sujets de la France, et à ce titre n’avaient-ils pas le droit de servir sa cause ! Évidemment oui ! La plupart d’entre eux habitaient cette partie du pays depuis des générations[2] ; les autres se composaient de ceux à qui Cornwallis, en révoquant le compromis de 1730, avait permis d’opter entre le serment sans réserve ou le départ, c’est-à-dire entre l’allégeance anglaise ou l’allégeance française : « Mes amis, leur avait-il déclaré.

  1. Extr. from a letter of Gov. Lawrence to Lords of Trade. Halifax, Aug. Ist 1754. — Nova Sco. Doc. Akins. P. 214.
  2. Le MS. original — fol. 482 — porte « depuis un temps immémorial ». C’est trop dire. Car les origines acadiennes ne se perdent tout de même pas dans la nuit des temps. L’édition anglaise (I, 391) a mis had dwelt for générations, — expression bien préférable et que nous adoptons.