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tant de la lui payer ;) il me répondit que non, qu’il croyait que j’étais un honnête homme ; que, dût-il ne jamais recevoir un liard, cela ne l’empêcherait pas de faire tout en son pouvoir pour sauver un anglais, fut-ce au prix de sa dernière chemise. Il ajouta que si j’avais besoin de quelque chose, il me l’enverrait. Je lui dis que je serais heureux d’avoir une chemise… Nous nous séparâmes alors, et le lendemain il m’envoya les articles que je lui avais demandés, avec une pièce de 6 livres[1]. »

Nous nous sommes appesanti sur l’incident de Conner et de Grâce, et sur celui de Casteel, parce que tous les historiens[2] qui en font mention signalent le meurtre des compagnons de ce dernier comme un acte d’infamie dont la source doit être imputée aux instigations des Français. Et quelques-uns, prenant à la lettre la déclaration de Conner et de Grâce, intervertissent les rôles, et, ne voulant pas voir le crime que ces hommes ont commis en massacrant des Indiens sans défense, font du soi-disant meurtre de leurs compagnons un forfait attribuable à la même origine, tandis qu’en réalité ceux-ci avaient péri dans le naufrage de leur vaisseau.

Parkman, comme toujours, devait nécessairement tomber dans les pires imputations contre les Français. Il faut voir avec quels airs de sagacité pénétrante il s’efforce d’entrelacer les faits et les circonstances pour remonter jusqu’à eux. Il retourne quatre années en arrière pour mieux forger un enchaînement de preuves, qui lui permette de conclure, ou du moins d’insinuer que les préliminaires du

  1. Journal de Casteel, loc. cit.
  2. Le MS. folio 383 — portait d’ahord, après historiens, l’incidente à peu d’exceptions près, laquelle a été ensuite biffée.