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l’ait chargé de ce crime. Mais si, en fait, ainsi que l’affirment Prévost et Maillard, Le Loutre avait prévenu Howe des dangers qu’il courait, alors, au lieu d’un crime, ce prêtre a commis une action méritoire qui nous le montre sous un jour plus conforme à la raison et à sa qualité de missionnaire.

Dans le but de pénétrer plus à fond cette affaire mystérieuse, nous avons, suivant notre habitude, recherché quels intérêts pouvaient avoir les diverses personnes mises en cause à ce sujet. Et d’abord, nous trouvons bien que Le Loutre était probablement jaloux et inquiet de l’influence que Howe avait prise sur les Acadiens : cela cependant est loin de suffire pour l’impliquer dans le meurtre de ce dernier, attendu qu’il faudrait le supposer en outre foncièrement méchant, ce qui serait en désaccord avec ce que nous savons de son caractère. Abstraction faite d’ailleurs de cette dernière considération, comment cet homme eut-il été assez borné ou assez aveuglé pour ne pas voir les conséquences qui résulteraient, pour lui-même et pour les choses qu’il avait à cœur, d’une pareille action ? Et puis, si l’on implique Le Loutre dans ce meurtre, il faut y impliquer aussi certains officiers français, notamment le commandant de la Corne, et par là les rendre coupables du même aveuglement fatal. Or, nous savons que les officiers français voyaient au contraire d’un mauvais œil l’influence qu’exerçait ce missionnaire et sa participation dans la conduite des opérations militaires et civiles. Comment donc eussent-ils tout à coup mis de côté leur longue opposition pour se lancer à sa suite dans une aventure qui ne pouvait avoir que des résultats néfastes ? D’autant moins qu’ils tenaient en grande estime ce Howe qu’il s’agissait d’abattre comme un vulgaire ennemi. — Mais alors, il reste les sauvages ? Quel motif ceux-