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toutes les formes sans que le lecteur ait encore pu deviner qu’il s’agissait de lui. De cette manière, Parkman a pu faire accepter les plus fortes accusations contre Le Loutre, en particulier celle qui l’impliquait dans un crime : après cela, il ne doutait pas que l’on ne fût prêt à croire n’importe quoi au sujet de ce dernier. Il importait peu de divulguer à la onzième heure les nom et qualité de Pichon : le venin qu’il avait extrait de cette source maudite avait déjà fait son œuvre dans la pauvre victime ; et cette divulgation d’ailleurs n’atténuait en rien l’effet de l’affreuse calomnie, puisqu’elle n’allait pas jusqu’à révéler l’identité de « l’officier français » qui l’avait lancée[1].

Il peut être fort difficile de se faire une idée précise des circonstances qui ont entouré la mort de Howe, Mais nous nous refusons à croire qu’un officier ou un prêtre, si grands qu’aient pu être leurs préjugés ou leur fanatisme, aient eu la moindre part dans un crime de cette espèce, quand ils n’avaient rien à gagner, ou plus à perdre qu’à gagner, à s’en rendre coupables même indirectement. Il n’y a que des barbares qui aient pu concevoir et exécuter un tel forfait. Nous ne croyons pas que l’on ait alors, à Halifax, entretenu des soupçons sur la complicité de Le Loutre dans ce meurtre. Et encore qui sait ? Ce pauvre prêtre était, pour les Anglais, « la bête noire » ; on se le représentait depuis longtemps sous de si sombres couleurs qu’il est possible qu’on

  1. Le MS. porte, à cet endroit, la note suivante : « c’est à la page 118, et au quatrième chapitre, que Parkman fait usage de Pichon sous la couverture de « un officier français » ; et c’est à la page 243, et au huitième chapitre, qu’il nous révèle Pichon et son rôle. »

    Pour plus de détails là-dessus, prière de se reporter à la note 16 de ce chapitre.