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ment trouver des mobiles à ses actions, mais certainement pas celui de l’égoïsme. Les grands motifs qui le faisaient agir ne pouvaient être que la religion et le patriotisme, la religion en premier lieu et pardessus tout, car c’était à elle qu’il avait sacrifié sa vie. Il y avait déjà douze ans qu’il vivait paisiblement au milieu des sauvages, lorsque Halifax fut fondé. De ce document, son activité, son zèle, son fanatisme s’élèvent à un haut diapason. Ce n’est plus un missionnaire doux et pacifique, c’est un dictateur, un énergumène, qui fait feu et flamme pour arracher les Acadiens à leur pays, comme s’il se fut agi d’arracher des malheureux à l’abîme qui les menace. Ne pouvant persuader à ceux qui habitaient près de la frontière d’émigrer volontairement, pour les y contraindre, il fait mettre le feu à leurs habitions par les sauvages. Que s’était-il donc passé ? Quelle était la raison de ce changement soudain dans l’âme de cet homme ? Quelque chose, évidemment, était venu semer en lui le trouble ; ce revirement dans son attitude ne pouvait être que l’effet d’intérêts religieux qu’il croyait gravement compromis. Il serait difficile d’expliquer autrement cette transformation[1].

  1. « Dictateur, énergumène », — l’on s’étonne de trouver ces mots, empruntés aux documents anglais, et si peu dignes de la sérénité de l’histoire, sous la plume de Richard. — Et voici l’un des grands chefs d’accusation contre Le Loutre, — l’incendie de Beaubassin, que ce missionnaire aurait ordonné. Or, cette accusation n’est rien moins que prouvée : « On reproche à Le Loutre, comme mesure de politique arbitraire et despotique, d’avoir fait évacuer et incendier Beaubassin, en 1750, afin de ne pas laisser aux anglais de quoi se ravitailler. Dans la relation du Journal de Franquet, il est dit expressément que ce fut M. de la Vallière et les habitants de ce district qui se déterminèrent d’eux-mêmes à ce sacrifice extrême, et non d’après l’ordre du missnonnaire. » (Les Anc. Miss. de l’Acadie, etc., p. 76).

    « … à huit heures six bâtiments furent mouillés un peu plus bas que Beaubas-