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si cruellement ! vous osez m’imputer des crimes » !

Mademoiselle Duménil, émue des larmes d’une jeune personne si long-temps chère à son cœur, ne put exciter sa douleur sans la partager : son indulgence naturelle la portoit à excuser Ernestine, à rejeter sur sa belle-sœur, l’égarement d’une fille simple et facile à séduire. Elle rêva un moment, et prenant la main de son amie : « Soyez vraie, lui dit-elle : répondez sans hésiter à mes demandes. Quand je vous écrivis de Bretagne, pourquoi ne me donnâtes-vous point de vos nouvelles ? comment négligeâtes-vous mes avis pendant la maladie de mon frère ? je vous offrois après sa mort un asile décent et agréable, pourquoi le refusâtes-vous ? enfin pourquoi m’écrivit-on de votre part de ne plus m’inquiéter de votre conduite » ?

En satisfaisant à ces questions, Ernestine découvrit à mademoiselle Duménil, qu’elle-même se croyoit en droit de l’accuser de négligence. Henriette vit qu’on avoit tendu des piéges à son amie ; elle ne douta point que, d’intelligence avec le marquis de Clémengis, madame Duménil n’eût soustrait à la connoissance d’Ernestine, des lettres capables de l’éclairer sur les dangers de sa situation : elle soupira, s’attendrit. « On nous a trompées l’une et l’autre, dit-elle ; deux perfides ont rendu ma prévoyance inutile ; ils ont bassement profité des circonstances, de mon éloignement, de votre crédulité ! Mais où nous conduit cette triste certitude ? Vous vous trouvez heureuse ! quelle apparence de vous ramener à vos premiers principes ? après avoir goûté