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sez sans inquiétude de cette aisance qui blesse les regards de mademoiselle Duménil : et si le hasard offre encore à vos yeux une personne si désagréable aux miens, évitez de lui parler ; vous me devez cette légère condescendance, et je l’exige de votre amitié. »

Ernestine n’osa insister sur des explications qu’elle désiroit. Elle fut triste, agitée tout le soir : la nuit augmenta son inquiétude ; mille réflexions s’élevoient dans son esprit. Pourquoi madame Duménil l’avoit-elle toujours assurée que sa belle-sœur était absente ? d’où naissoit une haine si décidée, si forte ? Pendant la vie de M. Duménil, elles ne se cherchoient pas, mais elles se voyoient assez souvent. Comment Henriette se seroit-elle opposée à des arrangemens avantageux pour son amie, elle qui avoit tant de fois souhaité d’être riche, et de partager sa fortune avec sa chère pupille ! On la traitoit de sévère, de hautaine ; ces épithètes convenoient-elles au naturel indulgent, à l’humeur douce de mademoiselle Duménil ! Ernestine entrevit du mystère dans la conduite de sa compagne ; un soupçon vague éleva sa défiance et lui inspira une sorte de crainte : cependant elle essaya de se calmer, de perdre le souvenir de cette rencontre, de donner à madame Duménil une preuve de son attachement et de sa reconnoissance, en se conformant à sa volonté. Mais comment supporter le doute où elle resteroit ? elle avoit cru voir du mépris, de l’indignation dans les yeux de mademoiselle Duménil. Trompée par un faux rapport, son amie l’accusoit peut-être d’entretenir la mésintelligence entre sa sœur et elle. Cette dernière pensée ranima le