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assez souvent. Henriette avoit environ trente ans ; élevée par une de ses parentes, femme riche et répandue dans le monde, elle joignoit à un naturel fort aimable, cet agrément que donne l’habitude de vivre au milieu d’un cercle poli. Point de bien, peu de beauté, beaucoup d’esprit l’éloignoient du mariage. La bonté de son caractère, l’honnêteté de ses mœurs, et sa probité connue, lui attachoient de sincères et de constans amis.

Henriette ne quitta pas madame Dufresnoi pendant sa maladie, et quand il en fut temps, elle arracha la désolée Ernestine d’auprès de son lit, la conduisit chez sa parente, et s’enferma avec elle dans son appartement. Elle laissa couler ses larmes, en répandit aussi, et lui accorda cette douceur nécessaire à un cœur affligé : cette liberté de se plaindre, de gémir, que des consolateurs insensibles ou maladroits croient devoir gêner, restreindre, nous ôter même ! ce zèle approche de la dureté : une tranquille raison, de vains discours, de froides considérations blessent une ame accablée du poids de sa douleur. Eh d’où vient, eh pourquoi vouloir persuader à un malheureux, que le trait dont il se sent déchirer, doit à peine laisser des traces de son passage !

Henriette, nommée exécutrice testamentaire par madame Dufresnoi, s’acquitta fidèlement de cet office. On vendit les meubles et les effets au profit d’Ernestine, et on plaça sur sa tête une somme de 8,000 liv., qu’ils rapportèrent. Il falloit lui chercher un asile décent et convenable ; Henriette ne pouvoit la garder : M. Duménil, attaché à son élève, engagea sa