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substance, & que le Créateur d’iceluy ensemble avec la terre & le ciel, les hommes & les bestes brutes, arbres & plantes, & finalement les quatre Elementz sont un corps continu, duquel grand corps chasques choses sont chasque membre. Ilz enseignent par l’unité de cete substance de quel amour toutes choses doivent estre unies ensemble & que chacun peut parvenir à la ressemblance de Dieu, d’autant qu’il est une mesme chose avec luy. Nous taschons de refuter ces inepties non seulement par raisons, mais encor par les tesmognages de leurs anciens sages, qui ont escrit toute autre chose.

Encor que les lettrez, comme nous avons dit, recognoissent un souverain & seul Dieu, ilz ne luy bastissent neantmoins aucun temple, & n’ordonnent aucun autre lieu pour l’adorer ; ilz n’ont aussi en suite de cela nulz prestres ou ministres de religion nulles cérémonies solemnelles qui doivent estre observeez de tous, nulz commandemens aussi qu’il soit defendu de transgresser, & aussi il n’y a aucun surintendant des choses sacreez, qui ait charge d’expliquer ou publier la loy, ou de punir ceux qui pèchent contre icelle. Et pour-ce ilz ne récitent ni chantent rien privement ou publiquement. Ains ilz asseurent que c’est au Roy seul qu’appartient la charge de sacrifier à ce Roy du ciel, & de l’adorer. Et si quel qu’un usurpoit ces sacrifices, il seroit puni comme criminel de leze Majesté & usurpateur du devoir du Roy. Pour cet effect le Roy a deux temples, certes magnifiques, en chasque cour Royale de Nanquin & Pequin. L’un est dedié au ciel, l’autre à la terre, ie Roy souloit du temps passé sacrdifier lui mesme dans ces temples, maintenant les Magistratz plus relevez tiennent sa place, & tuent des beufz, & brebis en grand nombre au ciel & à la terre, & leur rendent beaucoup d’autres ceremonies. Les seulz premiers Mandarins & plus grandz du Royaume sacrifient aux espritz des montagnes, fleuves, & quatre régions de cet Univers ; & ce cult n’est permis à aucun homme privé. Les préceptes de ceste loy sont contenues en ce volume de quatre livres, & des cinq doctrines, & n’y a aucun autre livre aprouvé, si ce n’est quelques commentaires sur ces volumes.

Or il n’y a rien en cete secte de plus celebre, ni qui soit plus coustumierement practiqué de tous, depuis le Roy jusqu’au moindre, que les obseques funebres avec lesquelz tous les ans ilz renouvellent le service & funerailles de leurs peres & aieulx, desquelz nous avons parlé ci dessus. Ilz establissent leur obeissance en cela, sçavoir obeissans, comme ilz disent, à leurs ancestres defuncts, comme s’ils estoient vivans. Ils ne croient pas toutefois que les morts mangent les viandes qu’ils leur servent, ou qu’ils ayent affaire d’icelles : mais ils disent qu’ils leur rendent ce devoir, parce qu’il semble qu’ils ne leur peuvent par aucun