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des maistres plus trompeurs, qui ne font gain d’aucune autre chose, que de prescrire le chois des heures & des jours, à ceux qui leur demandent conseil. Et à fin qu’aucun ne manque de prediseur, les mensonges aussi sont débitez à vil prix. Et arrive souvent que ceux qui ont quelque bastiment à faire, dilaient le commencement de l’œuvre, ou ceux qui ont à voyager leur despart plusieurs jours ; ayans seulement esgard à ce qu’ilz ne manquent en la moindre chose à l’ordonnance des prognostiqueurs, ou devins. Et encor que souvent il arrive que ce mesme jour la pluie tombe en plus grande abondance, & le vent contraire souffle, ilz ne sont neantmoins par aucun mauvais temps empeschez de commencer leur œuvure ce mesme jour & heure qu’ilz estiment devoir estre bien fortuné. Car pour commencer un voyage ilz font au moins quatre pas, ou si c’et pour bastir ilz fouyssent deux palees de terre, afin, qu’ilz ne semblent n’avoir pas commencé leur ouvrage au temps prescrit  : & ainsi (tant est grand l’aveuglement de ce peuple) ilz croyent que tout leur arrivera à souhait.

Ilz se peinent avec non moindre curiosité, de cognoistre toute la suite & fortune de la vie par l’heure, ou instant mesme de la naissance  : c’et pourquoy il n’y a personne qui ne recerche & marque fort exactement ce moment. Il y en a plusieurs qui se vantent estre maistres en cet art, & n’y en a pas moins qui asseurent qu’ilz prediront les choses futures par le cours des estoilles, ou par certains nombres superstitieux. Les autres Promettent le mesme par les traictz du visage & l’aspect des mains. Autres predisent les choses à venir par les songes ; autres par quelques petitz mots qu’ilz arrachent en parlant ; autres par la posture du corps & seule seance, & une infinité d’autres manieres. Et font cela si asseurément, qu’ilz semblent en forclore toute doute. Or il s’y coule tant de tromperies & naissent tous les jours tant de finesses, que les plus credules sont aisement attirez à cet erreur. Car ilz font souvent couler leurs compagnons, gens vagabonds & incogneus, parmi l’assemblée des auditeurs, qui asseurent publiquement que tout ce que cetui-là a predit leur est de poinct en poinct arrivé  : une autre fois, lors que d’autres coureurs estrangers revelent beaucoup de choses passées, les compagnons de mesme imposture leur accordent tout avec grand applaudissement. D’où arrive que plusieurs se laissans tromper, demandent d’eux leur bonne fortune, & reçoivent pour oracle ce qu’ilz entendent. Ilz s’acquierent aussi la reputation d’estre véritables par une autre ruse. Il se trouve des catalogues escris à la main, dans lesquelz les familles de toute une ville divisées en rues & maisons sont briefvement descrites. Ces charlatans les transcrivent ou les achetent à petit prix, & ainsi (encor qu’ilz soient estrangers) par le