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ez mariages (laissant en arriere la noblesse du sang) n’a esgard qu'à la seule beauté du corps. Et aussi les femmes qualifieez n’aspirent pas à ces mariages, tant parce que les femmes du Roy ont peu de pouvoir, que d’autant qu’estans tousjours enfermées au palais, elles sont pour jamais privées de leurs parens ; en apres aussi pour ce que les Magistratz ayans charge des mariages, faisans leurs choix, il y en a peu entre plusieurs qui sont eslevées aux nopces Royales. Entre les femmes du Roy il y en a une principale, qui seule peut estre appellée legitime. Outre celle-ci, le Roy & héritier du Royaume, en espouse neuf autres un peu moindres ; & puis trente six autres, qui toutes jouyssent du tiltre conjugale  : à celles-cy sont adjoindes beaucoup plus de concubines, qui ne sont appellées ny Roynes, ny femmes. Celles d’entre-elles qui enfantent des filz sont les plus aymées, & principalement la mere du premier-né, qui est appellé successeur du Royaume. Cela est non seulement coustumier au Roy, & à la famille Royale, mais aussi à tous autres par tout le Royaume.

Ceste seule principale femme s’assied à table avec le mary, toutes les autres (principalement exceptées les parentes du Roy) sont servantes du pere de famille, & suyvantes de la femme legitime, en la presence de laquelle il leur est permis se tenir debout, & non de s’asseoir. Les enfans n’appellent pas mere celle qui les a enfantez, mais la principale femme, & pleurent celle-là seule l’espace de trois ans quand elle meurt, & se privent de leurs offices eux-mesmes, non pour faire les funerailles de leur propre mere, ains de celle-là.

Ez mariages cela est religieusement observé, que personne ne prenne du tout point femme de mesme surnom, encor qu’il n’y ait entre-eux aucune alliance de sang. Or les surnoms des Chinois sont en beaucoup plus petit nombre que les nostres. Car il ne s’en compte pas mille ; & n’est permis à aucun d’inventer un nouveau surnom, mais il faut qu’il en prennee un de ceux qui sont reçeu d’ancienneté ; & icelui tiré des peres, & non des meres ; si ce n’est d’aventure que quelqu’un soit adopté en une autre famille. Ilz n’ont point d’esgard aux degrez de consanguinité ou d’affinité quand les surnoms sont differens, & ainsi ilz marient leurs enfans avec les parens de leur mere quasi en tout degré.

L’espousée ne porte aucun dot quand & soy ; & encor que le jour qu’elle va en la maison du mari elle porte un si grand appareil de meuble avec soy, qu’elle remplit les plus grandes rues, tous ces meubles neantmoins sont achetez aux despens du mary, qui quelques mois devant envoye en don quelque grande somme d’argent.

Chacun entre les Chinois festoie tous les ans le jour de sa naissance,