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souliers est assez mal-seante, & au premier aspect miserable ; ilz ceignent aussi les reins d’une corde ressemblante celles des navires, quasi de mesme qu’ont accoustumé les peres de l’ordre de Sainct François. C’est une coustume inviolable que le dueil du pere ou de la mere dure trois ans. Ilz rendent en leur livre la cause de ceci, sçavoir pour rendre la pareille à leurs parens qui l’espace des trois premiers ans de leur aage les ont portez sur leurs bras, & eslevez avec tant de peine. Au dueil des autres le temps des pleurs dure moins, selon qu’ilz sont plus proches ou plus esloignez du sang. Car quelquefois il finit en un an ; quelquefois en trois mois.

Le temps aussi ordonné par les loix pour le dueil du Roy ou de la Roine legitime est aussi de trois ans, aussi loing que s’estendent les limites du Royaume. Mais maintenant par grace du Roy, qui est cogneue par edict public, les jours sont comptez pour mois, & ainsi tout le Royaume monstre l’espace d’un mois la tristesse conceue pour la mort du Roy en habit de dueil. Les cérémonies de dueil des Chinois sont contenues en un juste volume ; ainsi quand quelqu’un de quelque famille vient à mourir, ses survivans, à qui touche le dueil, regardent ce livre, à fin que la pompe funèbre se fasse selon les coustumes perscrites. En ce volume non seulement sont descris, mais encor se voient les vestemens, bonnetz, souliers, ceintures de dueil, & toute autre cérémonie qu’on doit observer.

Quand quelque homme qualifié meurt, le filz du defunct & plus proche parent advertit tous les autres parens & amis avec un libelle conceu en la façon triste des paroles accoustumeez, & ce trois ou quatre jours apres la mort, pendant lequel temps ilz font le cercueil & en icelui enferment le corps mort ; apres ilz estendent sur le pavé & tendent quelque la sale de toile blanche, ou de nates, au milieu de laquelle ilz elevent un autel ; sur l’autel ilz posent le cercueil & l’effigie du defunct. En cete sale s’assemblent tous les parens & amis aux jours assignez (qui entre les principaux sont coustumierement cinq ou six) & sont aussi revestus de dueil, l’ un vient apres l’autre à chasque heure du jour, & mettent des parfums, & deux cierges sur l’autel du defunct, lesquelz estans allumez ilz font honneur au defunct avec quatres reverences, & fleschissementz de genouil, dont est amplement parlé cy-dessus. Mais premièrement ilz jettent un peu d’encens dans l’encensoir ardant au devant du cercueil, & de l’image qui est dessus. Cependant que ces cérémonies se font, un filz du defunct, ou plusieurs se tiennent debout à costé en habit blanc de dueil, & pleurant & lamentant, toutefois modestement. Derrière le cercueil crient & se plaignent aussi desmesurement toute la multitude des