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inscriptions & vers à sa louange. Aux autres qui sont plus qualifiez ils eslevent un marbre en quelque lieu public, ou leurs bien faicts envers la Republique gravez par quelque escrit elegant se conservent pour servir de mémoire à la posterité. Et y en a aussi ausquelz on érige publiquement des temples aucc grande despense  : & sur les autels sont mises des statues approchantes de leur naturel, autant que l’industrie de l’artisan le peut porter. Apres aussi est ordonné une rente annuelle, & certains hommes establis pour les parfumer continuellement, & leur allumer des lampes tousjours ardantes. Pour cet effect on ordonne des grans encensoirs de fonte, de mesme façon que ceux avec lesquelz ilz adorent leurs idoles. Mais toutefois ilz scavent separer ce cult de l’adoration de la Deité ; car ilz demandent beaucoup de choses aux Dieux  : mais les doctes offrent seulement à ceux-cy des cérémonies de courtoisie pour memoire de leurs bien-faicts. Il n’y a toutefois pas de doute que plusieurs du vulgaire meslent l’un & l’autre cult. On va à certain temps à ces temples, desquels toutes les villes son pleines, & qui aussi par le soin des amis sont souvent érigez aux indignes, on leur fleschit les genoux & fait la reverence, on leur offre des viandes, & fait-on quelques autres semblables choses.

Tous les livres des Chinois qui traident des mœurs sont pleins de preceptes pour exciter les enfans à l’obeissance & honneur deu aux parens, & aux superieurs. Et à la verité si nous considerons ceste apparence exterieure de pieté, il n’y a aucune autre nation en tout le monde accomparable aux Chinois. Ce que je prouveray par quelques indices. Ilz observent une coustume solemnelle de rendre honneur aux plus anciens s’assoians pres d’eux de sorte qu’ils ne demeurent jamais en mesme rang, & encor moins devant, mais se tiennent d’un ou d’autre costé ; laquelle ceremonie les disciples aussi observent avec leurs maistres. Ils parlent aussi à eux avec grande reverence & respect. Ilz nourrissent ceux qui sont pauvres jusqu’à la mort, mesme de leur propre sueur & travail, autant qu’ilz peuvent largement & abondamment. Mais ilz ne sont en rien plus religieux que quand ilz font leurs funérailles, tant en vestant l’habit de dueil (en quoy aussi ilz sont différents de toutes autres nations) qu’en la facture du tombeau & cercueil de quelque matière plus precieuse, selon leurs moiens & richesses. Ils passent souvent leurs forces en appareil de la sepulture, que plustost on jugeroit estre pompe que dueil.

L’habit de dueil des Chinois n’est pas noir ou obscur. mais blanc. Au dueil des parens les enfans sont vestus d’un habit de chanvre fort rude, au moins les premiers mois ; & la façon de leur sotane longue, bonnet &