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mais à la façon des Grecz à bon droict beuvettes. Car encor que leurs gobeletz, ou tasses ne contiennent pas plus de vin que la coque d’une noix, neantmoins ilz réitèrent fort souvent leurs traitz.

En mangeant ilz ne se servent ni de fourchettes, ni de cueilleres, ni de cousteaux ; mais ilz usent de bastons menus longz de paulme & demie, avec lesquelz ilz portent toute sorte de viandes à la bouche, avec une adresse admirable, ne touchant du tout rien avec les doigtz. On doit neantmoins sçavoir qu’on porte tout à table detrenché par morceaux, si ce n’est quelque chose de mol, comme œufs, poissons, & autres semblables, car tout cela est coupé avec les bastons. Ilz usent de boisson chaude  : mesme aux plus grandes chaleurs, soit vin, soit la decoction Cia, soit eau. Et certes il semble que cela n’est pas peu proufitable à l’estomach. Car les Chinois aussi sont la plus part de plus longue vie & ont les forces vigoureuses jusqu’à l’aage de septante, & souvent de quatre vingtz ans. Je croy aussi que d’icy arrive qu’aucun des Chinois n’a la pierre ou gravelle, maladie qui tourmente souvent ceux de nostre Europe, & pour ce (crois-je) qu’ilz boivent tousjours froid.

Quand quelqu’un est convié en quelque banquet solemnel, un jour ou plusieurs devant le festin, celuy qui invite l’autre, envoie un livret de ceux dont a esté parlé dans lequel outre le nom de l’invitant y escrit comme dessus, celui qui convie dit en peu de motz à la maniere accoustumée, elegamment & courtoisement, qu’il a appresté un petit festin d’herbes potageres, & lavé ses gobeletz à fin qu’à tel jour & heure, qui est quasi environ la nuict, il entende la doctrine de celuy qu’il convie, & apprenne quelque chose de lui ; & en apres prie qu’il ne desdaigne pas de luy faire cete faveur. Au dehors de ce libelle ilz adjoustent du long un papier rouge (comme dessus) & en iceluy le nom plus honorable de l’invité (car les Chinois sont chacun appeliez de plusieurs noms, comme je diray plus bas) avec des tiltres divers, selon la qualité de celuy qui est appellé. C’est-là la coustume de convier un chacun. Le jour mesme du festin ilz envoient à chacun un semblable livret, mais en iceluy ilz font seulement priez de se haster, & de ne desdaigner pas de venir au temps prefix ; finalement à l’heure du banquet ilz envoyent le troisiesme, qu’ilz disent envoyer à fin qu’il reçoive ceux qui viennent au chemin.

Quand on est arrivé en la maison du festin, apres avoir achevé les salutations communes comme dessus, ilz s’assoient en la sale, & boivent de leur Cia. De là on va au lieu du convive. On a accoustumé de l’orner splendidement, non avec des tapisseries, dont ilz n’ont aucun usage,