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l’entrée de la porte de la première sale, ayant la face tournée vers le haut de la sale, ilz regardent le Septentrion.

Si quelquefois ilz veulent rendre des plus grans complimens d’honneur, ou parce que c’est la premiere fois qu’ilz se saluent, ou pour avoir esté long temps absens, ou si quel qu’un félicite un autre de quelque chose, ou le remercie, soit aussi quand il arrive quelque jour plus solemnel, ou pour quelque autre occasion que ce soit, alors apres avoir fait cete submission susdide, l’un & l’autre se jette à genoux & abaisse le front jusqu’à terre ; apres s’estant levez debout, ilz s’enclinent derechef & plient le genouil comme dessus, & ce trois ou quatre fois. Mais si cete ceremonie est rendue à quelque superieur, pere, maistre, ou à quelque autre personnage principal, icelui estant debout au haut de la sale, ou assis, reçoit l’honneur, & joignant les mains comme dessus s’encline quelque peu au lieu mesme ou il est droict, ou assis, à chasque fleschissement de genouil d’un autre. Et souvent celui qui reçoit l’honneur avec plus de modestie, se tient, non au haut de la sale vers le Septentrion, mais à costé vers le Midy. Ilz adorent leurs Idoles devant l’autel avec mesme ceremonie, soit aux temples, soit en la maison. Mais quand les serviteurs saluent leurs maistres, ou le vulgaire les plus honnorables, de premier abord ilz se jettent à genoux, & frappent legerement la terre trois fois avec le front ; laquelle mesme ceremonie ilz rendent souvent à leurs idoles. Mais si le maistre parle avec eux ; ilz se tiennent à son costé, & à chasque response se jettent à genoux. Les autres aussi du commun font le mesme, quand ilz parlent avec les grans.

Outre ces ceremonies que j’ay dictes, ne sont pas beaucoup differentes des nostres, ilz en observent d’autres en parlant, ou escrivant, esquelles ilz ne sont pas peu differens d’avec nous, & de la s’accroist aussi la difficulté non petite de ce langage : car quand l’un parle à l’autre, ilz n’usent jamais de la seconde personne, mais soit qu’ilz parlent au present, ou de l’absent, ilz usent de diverses manières de parler. Quand ilz parlent d’eux mesmes, il n’est aucunement permis d’user du pronom de la premiere personne (comme de dire moi) si ce n’est d’adventure au maistre, quand il parle à son valet, ou à quelque autre superieur devisant avec un moindre. Or ilz ont autant de façons de parler pour s’abaisser soi-mesme, comme pour eslever un autre  : entre lesquelles quasi la plus modeste est de s’appeller de leur nom propre, au lieu que nous avons accoustumé nous servir du pronom moi. Et si d’adventure on vient à parler des parens, freres, enfans, du corps aussi, membres, maison, pays, lettres, & mesme des maladies d’autruy, ilz usent de quelque nom plus honorable ; au contraire, s’ilz parlent des mesmes choses à eux