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y estant rare, & non assez douce, par certain mespris, ilz n’en pressent pas de vins mais ilz en font du riz & d’autres choses. D’où arrive qu’il ne defaut jamais. Ilz font grand cas de ce vin, & certes il n’est pas desaggreable, & ne brusle pas comme celui d’Europe.

Ilz mangent communément de la chair de porc ; mais toutesfois il y a aussi abondance d’autres chairs, beaucoup de bœufs, de brebis, de chevres, par tout une infinité de poulles, canards, oyes, voire mesme ilz mangent les chevaux, mulets, asnes & chiens de mesme quasi que les autres chairs, & on les estalle ainsi à vendre aux boucheries. Toutesfois en quelques lieux la superstition ou l’agriculture espargné les bœufs, & bouvines. Il y a abondance de venaison, mais principalement de cerfz, lievres, & diverses oiseaux, & tout s’achete à bon marché.

Les chevaux, & autre semblable bestail, encor qu’en beauté ils n’esgalent ceux d'Europe, sont neantmoins plus estimez pour le nombre, prix & facilité de la voiture, lors qu’en quelque lieu on ne rencontre des rivieres. Car il y a partout le pays tant de fleuves, qu’on le peut quasi tout passer & traverser par eau, soit que la nature, ou l’art ait fait ces rivieres. D’où se void une multitude incroyable de toute sorte de bateaux naviger deçà & dela & icelle est si grande, qu’un Escrivain de nostre temps n’a pas fait difficulté d’asseurer, qu’il n’y a pas moins d’habitans sur les eaux, que sur terre ferme. Ce encor qu’il semble que ce soit une hyperbole excedant la verite, neantmoins elle ne semblera pas excessive à celui qui seulement navigera sur les rivieres de la Chine. Quant à moy j’oserois asseurer autre chose, peut estre avec plus de verité, qu’il ne semble pas incroyable, qu’on peut compter autant de vaisseaux en ce seule Royaume, qu’en tout le reste du monde ; si on parle seulement de ceux qui sont portez sur les eaux douces. Car ceux qui parmy les Chinois passent en la mer, sont en plus petit nombre ; & nullement esgaux aux nostres. Mais je reviens aux chevaux. Les Chinois ne les sçavent pas dompter. Tous ceux dont on se sert journellement s’apprivoisent estans chastrez. Quant aux chevaux de guerre, il y en a presque une infinité, mais iceux si lasches & couards, qu’ilz ne peuvent seulement pas supporter le hennissement d’un cheval Tartare sans s’enfuyr. Dont ilz sont quasi inutiles aux combats, outre ce que n’estans pas ferrez, la mollesse des ongles ne peut pas long temps resister aux rochers, & cailloux par les chemins difficiles, & rompus

Il y a en tant de rivieres grande diversité & abondance de poissons. Car outre la mer tres-fertile en poissons vers le Midy & l’Orient, & les fleuves susdits. il y a des tres grands lacz, qui pour leur largeur & profondeur semblent quasi petites mers, & outre cecy des viviers autour des