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ne se soucient pas beaucoup s’ils rendent fidelement le tribut ou non.

On adjouste à la grandeur & frequentation de ce Royaume, qu’il est de tous costez par art, ou par nature environné de defenses propres à se garder. Vers le Midy, & l’Orient il est arrousé de la mer, & icelle divisée de tant d’Isles, que l’abord des flottes navales à la terre ferme, est partout tres-difficile. Vers le Septentrion des precipices inaccessibles joints à un mur continu, & icelui tres fort, de cinq cents cinq lieues, repoussent les assauts quasi continuelz des Tartares. Vers l’Occident, qui est le plus proche du Septentrion, on void tout joignant un terroir de sable alteré, qui par le defaut de vivres de plusieurs jours espouvante les armées des estrangers de venir au royaume de la Chine, ou bien les ensevelit. L’Occident tirant vers le Midy est remarqué estre plein de montaignes, & de forests, & a fort peu de petits Royaumes voisins, que les Chinois mesprisent, les estimans indignes de leur crainte, ou de leur ambition.




De quelles choses est fertile la terre de la Chine


CHAPITRE III.


DE ceste si ample estendue de cet Empire, non seulement de l’Orient à l’Occident (comme s’estend nostre Europe) mais encor du Midy au Septentrion, provient qu’en aucun autre lieu du monde il n’y a si grande diversité de fruicts, qu’il s’en produict icy soubs le ciel de ce de ce mesme Royaume. Car de là depend la diversité des climats, & d’icelle la fertilité de diverses choses, pour ce qu’une chose s’esleve plus heureusement en un air bruslant, une autre en un air glacé, & autres aussi sous un ciel tempéré.

Les Chinois mesmes aux livres de leur Chorographie descrivent au long ce que chasque Province porte : ce que poursuivre icy feroit s’esloigner de la briefveté proposée. Cela se peut dire en general avec verité, que tous les Auteurs asseurent, que tout ce qui sert à l’ornement, au vivre, & mesmes aux delices, ne s’y apporte pas d’autre part, mais croist abondamment sur le lieu : voire j’oserois asseurer que tout ce que nous voyons en Europe, se retrouve en ce Royaume. Et si quelque chose y defaut, qu’elle est amplement recompensée de beaucoup d’autres, dont l’Europe manque.

Premièrement donc il y a abondance de toute sorte de bleds, il fournit quantité de froment, d’orge, mil, paniz, seigle & autres de semblable espece ; & le riz, qui est presque leur provision ordinaire, y surpasse de