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appellent les Sarazins Hoei, s’abstenans de la chair de porc. les Juifz Hoei, qui aussi rejettent les nerfz de leurs tables, car ilz observent encor aujourd’huy ceste coustume introduite parmi ceste nation à cause du nerf frapé de la cuisse d’Israël : mais ilz appellent les adorateurs de la croix Hoei, qui refusent manger de la chair des bestes qui ont les ongles rondz ; car encor que tous les Chinois, Sarazins, & Juifz reçoivent en leurs tables les chevaux, muletz, & asnes, eux peut estre par la coustume de leur nation avoient horreur d’en manger. Il asseuroit aussi qu’on les appelloit avec d’autres noms. Car les Chinois les nomment aussi Hoei, adorateurs de la Croix. Mais non seulement les Chinois, mais aussi les Juifz appellent les Sarazins Hoei, faisans profession de trois loix : pource qu’ilz ont ramassé un meslange des Juifz, Chrestiens & Ethniques. Mais les Sarazins outre le nom vulgaire du peuple, duquel ilz appellent tous les Chrestiens Isai, c’est à dite, Jesuins, en ce Royaume mesme ils appellent aussi ces anciens professeurs de la croix Terzai. Je ne scay d’où provient la cause de ce nom, si ce n’est que j’ay ouy dire à un certain Armenien, que les Armeniens Chrestiens en Perse sont nommez de mesme nom. D’où peut estre on pourroit penser que ces adorateurs de la croix sont venus d’Armenie, & de l’Occident, peut estre en divers temps, & lors principalement que les Tartares avec des grandes armeez s’estoient jettez en la Chine, qu’ilz entrerent en ce Royaume : auquel temps il paroit que Marc Paul Venetien est ici parvenu.

Voila les principales remarques que nous avons trouveez de ce Royaume de la Chine. Mais toutefois nous pouvons rapporter les commencemens de la foy Chrestienne en ce Royaume plus haut, parce que nous avons faict recueillir des livres Chaldéens de la Province des Malabares, laquelle contrée on cognoist si clairement avoir esté Christianisée parle soin & diligence de S. Thomas, que les plus opiniastres mesmes n’en sçauroient douter. En ces livres done nous lisons tres-clairement que la foy Chrestienne a esté introduite en la Chine par le mesme Apostre, & plusieurs Eglises basties en ce Royaume. Et à fin qu’aucun ne vienne d’adventure à douter d’une chose de si grande consequence, je transcrirai ici les tesmoignages des mesmes livres traduitz de mot à mot du Chaldée en Latin, que le Pere Jean Marie de Campori de nostre Compagnie, qui depuis plusieurs anneez cultive ceste vigne, & fort docte en langue Chaldeane, a translaté par le commandement du Reverendissime Archevesque le Pere François Roitz Pasteur de ceste mesme Eglise de nostre Compagnie, & par les prières des nostres transcrit de sa propre main, à fin qu’ilz fussent inserez en ces memoires, de peur qu’un jour ceste mémoire si insigne d’antiquité ne perist. Il y a donc ainsi.