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Ce que Jerosme Rusellus dit en ses commentaires sur la Cosmographie de Ptolomée, parlant des Chinois, s’accorde aussi avec ceci. Et d’autant que nous parlons de l’usage de la croix parmi les Chinois, on ne doit aucunement passer sous silence une autre remarque d’icelle. Un de nos Peres a veu une cloche de fonte tres elegante à vendre entre les mains d’un Antiquaire, au sommet de laquelle une petite Eglise estoit gravée, & au devant de l’Eglise une croix, & aux environs quelques characteres Grecz. Celui qui l’a veu, la voulut acheter, mais ilz ne resteèrent pas d’accord du prix, & du depuis cet Antiquaire n’a jamais paru pour copier ces characteres.

Ce mesme Israelite adjoustoit que ces mesmes adorateurs de la croix prenoient une partie de la doctrine qu’ilz recitoient, au lieu de prieres, de leurs livres, & qu’elle estoit commune à tous les deux ; peut estre il vouloit dire les Psaumes de David. Il disoit qu’il y en avoit eu principalement plusieurs d'iceux ez Provinces Septentrionales, & si florissans en lettres & en armes, que les Chinois soupçonneux de nature avoient crainte qu’ilz n’attentassent quelque nouveauté. Il estimoit que les Sarazins, ennemis jurez du nom Chrestien par tout le monde, avoient esmeu ce soupçon seulement depuis soixante ans. Ceste crainte vint si avant, que comme ilz avoient peur que les Magistratz leur missent les mains dessus, ilz s’enfuirent tous deçà delà, & pour crainte de la mort les uns se firent Sarazins, les autres Juifz, plusieurs adorèrent les Idoles. Leurs temples ont esté changez en temples d’Idolâtres. Et nommoit le temple de la croix entre les siens, du nom qu’on l’a appelle depuis qu’il fut au service des Idoles. Depuis ce temps ilz sont tellement abatus de crainte, qu’ilz ne tiennent rien plus secret que d’estre issus de ce peuple. D’où est arrivé que lors que nostre frere se transporta là pour s’informer des restes du Christianisme, & apporter avec foy le nom des familles dont le Juif avoit faict mention, il n’y eut aucun d’eux qui s’osast avouër estre tel : parce peut estre que nostre frere au visage estoit recognu pour Chinois ; & avoient opinion que ce fust un espion envoié du Magistrat. Et jusqu’à present à cause du petit nombre des nostres, on n’a encor peu envoier là aucun Prestre d’Europe ; encor qu’il sera necessaire d’establir là une demeure pour chasser la vaine peur qu’ilz ont conceue, ce qui se fera un jour avec la grace de Dieu.

Ilz confondent toutes ces trois sectes des Barbares (comme appellent les chinois, d’un seul nom, & appelknr leurs sectateurs Hoei, Hoei, l’etymologie duquel nom nous est jusqu’à present incognue. Les plus sçavans toutefois en font distinction en ceste manière. Ilz