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un de noz frères Chinois de nation en ceste ville Metropolitaine, à fin qu’il s’enquestast de la verité de ce que cet Israëlite luy avoit rapporté : & certes il trouva qu’il estoit des Juifs tout ainsi qu’il luy avoit dit. Il se fit aussi copier le commencement & la fin des livres qu’ilz gardoient en leur Synagogue : nous les avons en apres confrontez avec nostre Pentateuque, & avons trouve que c’estoit le mesme, & les mesmes characteres, si ce n’est que selon la façon ancienne ilz manquoient de points. Le Pere Matthieu Ricci avoit par le mesme frere nostre envoyé des lettres escrites en Chinois au maistre de la Synagogue, par lesquelles il l’asseuroit qu’il avoit à Pequin en la maison entièrement tous les livres du viel Testament : mais aussi les livres du nouveau Testament, qui contenoient les choses faictes par le Messie ; car il asseuroit qu’il estoit desja venu. Ici le maistre de la Synagogue fit instance, asseurant que le Messie ne viendroit pas devant dix mille ans. Le mesme rescrivit, parce qu’il avoit entendu beaucoup de choses de sa vertu par le tesmoignage de la renommée, que s’il vouloit s’abstenir de la chair de porc, & passer vers luy, qu’il luy resigneroit la dignité de maistre de la synagogue.

Apres cela trois autres Juifs de la mesme ville vindrent à Pequin, tellement disposez à recevoir la foy Chrestienne, que si leurs affaires leur eussent permis de sejourner là quelque peu de jours, ilz sembloient pouvoir estre baptisez. L’un d’iceux estoit son nepveu & premier filz de son frere ; nos Peres ayans receu ceux-ci fort humainement leur enseignerent beaucoup de choses que leurs Rabins mesmes ignoroient. Et estans instruictz touchant l’advenement du Messie, ilz adorerent tous son image posee sur l’autel, avec mesme ceremonie qu’ont accoustumé les Chrestiens. Ilz receurent des nostres un abrege de la doctrine Chrestienne, & autres livres de nostre religion parlans desja Chinois, & les emportèrent aux leurs. Ces trois se plaignoient de beaucoup de choses de leur loy : qu’elle tendoit maintenant à sa fin par l’ignorance du langage de leurs peres, & qu’en bref ilz seroient tous Sarazins ou Ethniques. Ilz disoient que ce maistre de leur synagogue estoit maintenant mort de vieillesse, que le filz, qui avoit esté par droict hereditaire mis en sa place, estoit jeune, & du tout ignorant de la loy. Ilz se plaignoient aussi qu’il leur sembloit malseant de n’avoir aucune image en un temple magnifique, ni aussi en leur maison aux oratoires privez. Que s’ilz voioient l’image de Jesus-Christ leur Sauveur dans leur temple, qu’ilz seroient fort enflammez du zele de la Religion. Ils se plaignoient principalement qu’on leur defendoit de manger la chair d’une beste qu’ils n’avoient pas tuée de leurs mains, ce