Page:Ricci - Trigault -Histoire de l'expédition chrestienne au royaume de la Chine, Rache, 1617.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à soufler l’Alchimie à l’exemple de leurs Sainctz, qu’ilz disent avoir donné les préceptes de l’un & l’autre art.

Et voila les trois poinctz principaux quasi de la superstition des Gentilz. Mais la vanité du genre humain ne s’arreste pas à ceux-ci, mais les ans coulans peu à peu chasque source a esté par les maistres des tromperies tirée en tant de destours, qu’il me semble que soubz ces trois noms, on pourrait bien encor nombrer trois cens sectes toutes differences l’une de l’autre. Et encor celles-ci aussi croissent tous les jours, & deviennent pires par les loix de jour en jour plus corrompues, par lesquelles les auteurs du mal font profession de lascher la bride à toute licence de vivre avec liberté.

Humvu chef de la famille qui regne auiourd’huy a ordonné par loi expresse, que ces trois loix fussent conserveez pour le soustien du Royaume ; ce qu’il a fait afin de s’acquérir la bien-vueillance de tous les sectaires : mais toutefois à condition que la secte des lettrez auroit l’administration de la Republique, & commanderait aux autres. D’ici provient qu’aucune des sectes ne tasche que d’abolir l’autre. Or les Roys honorent chasque secte, & les emploient au besoin à leurs affaires, reparent souvent les temples des uns & des autres, en erigent des vieux & des nouveaux. Mais les femmes des Rois, sont du tout plus addonneez à la secte des Idoles, & donnent à leurs ministres plusieurs aumosnes, & nourissent des conventz entiers hors l’enclos du palais, afin d’estre aideez par leurs prieres.

Une chose peut sembler incroiable, sçavoir la multitude des Idoles qui se voient en ce Royaume non seulement ez temples profanes qu’on expose souvent pour estre adorez au nombre de plusieurs mille, mais quasi aussi en chasque maison privée en un lieu à ce dedié selon la coustume de ce peuple, au marché, ez rues, navires, palais publicz ceste seule abomination de premier abord s’offre à la veue de chacun. Et toutefois c’est chose certaine qu’il y en a fort peu qui adjoustent foy aux inventions monstrueuses des idoles, mais seulement ilz se persuadent ceci, que s’ilz ne reçoivent aucun bien de ceste veneration externe des idoles, qu’aussi il ne leur en peut arriver aucun mal.

Or en ce temps ceste-ci est l’opinion la plus receuë & approuvée des plus sages & advisez ; que toutes ces trois loix sont unies en une, & qu’ensemble elles peuvent & doivent toutes estre observeez. En quoy ilz ne se trompent pas moins confusement que les autres, croians que ces questions de religion sont d’autant plus utiles au bien public, qu’il y a plusieurs façons de parler d’icelles. Et enfin ilz obtiennent toute autre chose que ce qu’ilz avoient esperé ; car cependant qu’ilz croient