Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/620

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dée en principe, on n’aurait aucun droit à l’appliquer ici, car les produits que le manufacturier aurait à vendre resteraient au même prix. L’avilissement de la valeur atteindrait seulement les objets qu’il doit acheter, nommément le blé et le travail, et servirait aussi à multiplier ses profits. Je dois redire ici, qu’une hausse dans la valeur de la monnaie abaisse le prix de toutes choses ; tandis qu’une baisse dans le prix du blé réduit seulement les salaires du travail, et par cela même, élève le taux des profits.

Si donc la prospérité de la classe commerciale conduit inévitablement à l’accumulation des capitaux et aux progrès des industries fécondes, on doit se rallier à une baisse dans les prix des blés comme au moyen le plus sûr pour atteindre ce résultat[1].

Je ne saurais approuver comme M. Malthus cette opinion d’Adam

  1. Cette conclusion serait désolante, s’il était vrai que l’abaissement du prix des céréales dût réagir fatalement sur les salaires. Dans ce cas, loin d’ouvrir largement les portes aux importations étrangères, loin de favoriser le progrès des méthodes agronomiques, loin de multiplier les moissons dans un pays et de verser l’abondance à pleines mains ; dans ce cas, disons-nous, il faudrait redresser les barrières abattues, briser les charrues, faire brûler, par la main du bourreau, les traités d’agriculture, afin de diminuer la masse des céréales produites, d’en augmenter conséquemment les prix, et d’en faire une denrée de luxe. Après quoi il ne resterait plus aux ouvriers qu’à opter entre les deux conseils qui leur furent donnés au dix-huitième siècle par une princesse et, par un traitant : — ils auraient à manger de la brioche ou à brouter l’herbe des prés. Ricardo penche pour la brioche, car il ne peut séparer, dans ses abstractions, la hausse des salaires de l’élévation des prix : nous, au contraire, nous craignons la plus horrible détresse, car nous avons pour nous la logique des idées et la logique des faits, car nous avons le compte des générations mortes au souffle de la famine, car nous savons ce que des prix de 39 francs l’hectolitre et de 100 sch. le quarter ont produit de faillites, de douleurs, de secousses sanglantes en France et en Angleterre. Nous ne saurions, d’ailleurs, nous résigner aussi facilement que le savant économiste anglais, à voir ainsi grandir les profits aux dépens des salaires, et nous ne verrions aucun progrès dans un système qui, renversant toutes les lois de la charité et du bon sens, tailleraient dans les haillons du pauvre de quoi vêtir les riches. Notre cri serait, dans le système de Ricardo, en faveur des monopoles, des restrictions, des impôts, en un mot de tout ce qui accroît la valeur des choses, contre tout ce qui tend à niveler le bien-être : et au lieu d’être les disciples de Smith, de Say et de Cobden, nous chercherions encore à réaliser, avec une balance — et des faux poids, — le rêve des mercantilistes. Mais nous croyons avoir démontré déjà que Ricardo se trompe, que le bas prix des subsistances est un progrès aussi bien que le bas prix des objets manufacturés, des livres, des transports, et que le grand problème économique de l’avenir doit être précisément de donner une marche ascendante aux salaires et une marche rétrograde aux prix.
    A. F.