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les invoque. On les réduit généralement à deux phénomènes. Ainsi : 1o dans le cas où la guerre éclaterait, une coalition de toutes les puissances continentales ou l’influence de notre principal ennemi, pourrait suffire à arrêter nos approvisionnements ordinaires ; 2o lors dés mauvaises récoltes au dehors, les pays d’exploitation auraient le pouvoir de retenir le contingent ordinaire de nos subsistances, et ils exerceraient infailliblement ce droit dans le but de combler le déficit de leurs propres approvisionnements[1].

Si notre pays se classait régulièrement parmi les pays d’importation, et si les étrangers pouvaient avoir confiance dans les demandes de notre marché, on les verrait immédiatement accroître la culture de leurs terres à blé, et cela, en vue d’une exportation nouvelle. Lorsque nous évaluons le chiffre auquel se monte, pendant quelques semaines seulement, la consommation de l’Angleterre en céréales, nous demeurons convaincus que dans le cas où le continent serait appelé à nous fournir une grande partie de cette consommation, la moindre interruption apportée au mouvement des exportations engendrerait le plus vaste et le plus terrible désastre commercial. Ce désastre, il n’est aucun souverain, ni aucune coalition de souverains qui voulussent le provoquer, et si, d’ailleurs, les rois osaient décréter de telles mesures, tous les peuples se lèveraient pour protester. L’effort que tenta Bonaparte pour arrêter l’exportation des produits naturels de la Russie, contribua plus que toute autre cause à provoquer les efforts merveilleux que cette nation sut opposer à la puissance la plus colossale qu’on ait peut être organisée contre un peuple.

Il serait impossible de déplacer immédiatement l’énorme capital engagé dans la terre sans occasionner des pertes immenses et proportionnelles. De plus, l’encombrement des marchés extérieurs, qui, en réagissant sur leur approvisionnement total, abaisserait à l’infini la valeur du blé ; l’absence de ces retours, qui sont si essentiels dans les combinaisons commerciales, se réuniraient pour offrir le spectacle d’une ruine partout envahissante. Et s’il arrivait qu’un pays résistât à ces terribles catastrophes, croit-on qu’il lui resterait assez de force pour conduire la guerre avec succès ? Nous avons tous été témoins des misères de notre pays ; nous avons tous connu les malheurs plus grands encore qui ont affligé l’Irlande, à la suite d’une baisse dans le prix du blé, à l’époque même où il est avéré que

  1. C’est sur cette dernière opinion que M. Malthus insiste principalement dans sa dernière publication : Bases d’une opinion, etc.