Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/609

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

principes dont nous avons étayé la théorie, de la rente sont exacts, il est évident qu’au sein d’une population immobile, en face d’un capital agricole dont on n’a pas affaibli d’importance, il est évident, dis-je, que les profits de l’agriculture ne sauraient grandir ni la rente tomber. Il n’y a donc ici que deux opinions possibles : ou l’on soutiendra, — ce qui est en contradiction avec toutes les lois de l’Économie politique, — que les profits des fonds commerciaux peuvent s’accroître considérablement sans réagir sur le capital agricole, ou l’on décidera que dans de telles circonstances les profits du commerce doivent eux-mêmes rester immobiles[1].

Je me range de cette dernière opinion que je trouve d’accord avec la vérité. Je ne nie pas que le spéculateur qui, le premier, découvre un marché nouveau et plus favorable ne puisse recueillir pendant quelque temps et avant que la concurrence ne s’éveille, des bénéfices exceptionnels. Il pourra, en effet, vendre les marchandises qu’il exporte à des prix plus élevés que ceux pour qui le nouveau marché est inconnu, ou bien il pourra acheter les marchandises d’importation à dès conditions plus favorables. Tant que son industrie seule, ou jointe à celle de rares concurrents, exploitera ce champ commercial, ses profits pourront dépasser le niveau général des profits. Mais nous parlons ici du taux universel des profits, non des bénéfices de quelques individus, Et je ne doute pas que ces profits extraordinaires obtenus par un petit nombre de spéculateurs initiés à un commerce nouveau, loin d’élever le taux général, ne redescendent eux-mêmes au niveau habituel. En effet, à mesure que l’exercice de ce commerce s’étendra et sera mieux connu, l’abondance sans cesse croissante des marchandises étrangères et les facilités d’acquisition en feront baisser la valeur à un degré tel que la vente se fera au taux ordinaire de tous les bénéfices.

Ces conséquences sont analogues à celles qui résultent, à l’intérieur, de l’emploi d’agents mécaniques perfectionnés.

  1. M. Malthus me fournit ici une heureuse confirmation. Il a comparé avec justesse « le sol à la réunion d’un très-grand nombre de machines, toutes susceptibles de perfectionnements continuels par le capital qu’on y consacre, mais cependant toutes caractérisées par une puissance et des qualités diverses. » Je demanderai alors comment les profits peuvent s’élever quand nous sommes obligés de mettre en œuvre celle des machines dont la puissance et les qualités sont les moins parfaites. Nous ne pouvons refuser de remployer, car elle est la condition sine quâ non pour obtenir les subsistances nécessaires à la population, subsistances dont nous n’avons pas supposé que la demande eût diminué. Et qui donc consentirait à l’utiliser s’il pouvait recueillir ailleurs de plus grands bénéfices ?