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Il est impossible de se tromper plus lourdement qu’en supposant qu’une nation puisse exister sans éprouver le besoin de certaines consommations. Elle pourra manquer de débouchés pour l’excédant d’une ou plusieurs de ses marchandises ; elle pourra avoir plus de café, de sucre, de suif, qu’elle n’en peut consommer ou écouler, mais jamais un pays n’a été inondé par un encombrement général de toutes les marchandises. C’est un fait évidemment impossible. Si un pays est comblé de toutes les choses nécessaires à l’existence et au bienêtre de l’homme, et que ces choses se répartissent d’après les proportions habituelles de la consommation, on peut être sûr, quelque abondantes qu’elles soient, de leur trouver un débouché. Il en résulte que lorsqu’un pays possède une marchandise qui n’éveille aucune demande à l’intérieur, il désire nécessairement l’échanger contre d’autres marchandises dans la limite de la consommation possible.

Aucune nation ne cultive du blé ou toute autre production dans le but de les transformer définitivement en monnaie, comme le supposent immédiatement ou médiatement les rédacteurs de la Revue ; car ce serait appliquer les efforts de l’homme à la plus stérile de toutes les œuvres. La monnaie est précisément un objet qui n’ajoute à la richesse d’une nation qu’au moment où on l’échange. C’est pourquoi je trouve que la multiplication des signes monétaires n’est pas plus le mobile du travail de la nation que du travail individuel. Et la seule circonstance qui donne un écoulement forcé à la monnaie, c’est la valeur comparativement moindre qu’elle a dans les pays avec lesquels on commerce.

On conçoit qu’une nation dont la circulation monétaire est confiée aux agents métalliques, et qui ne possède pas de mines, puisse multiplier les produits de son territoire et de son travail sans ajouter à sa richesse. En effet il se peut que les pays où s’exploitent les mines obtiennent une telle quantité de métaux précieux, qu’ils imposent aux pays industrieux un surcroît de numéraire équivalant à l’accroissement total de ses productions. Mais il arrivera que la circulation supplémentaire, jointe à celle qui servait auparavant, n’aura pas une valeur réelle supérieure au montant primitif des unités monétaires. La nation industrieuse deviendra ainsi tributaire de celles qui possèdent les mines, et fera un commerce où elle n’aura que des pertes à attendre.

Je suis prêt à accorder que le change avec les autres pays est dans un état continuel d’oscillation. Mais il ne varie pas généralement jusqu’à ces limites auxquelles il devient plus avantageux de faire des