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nier qu’on puisse exporter ces articles d’Angleterre sur le continent, lorsqu’ils n’y sont pas plus chers qu’ici. En vain leur eût-on dit : Notre récolte a été mauvaise, nous éprouvons une disette de blé ! Ils auraient prouvé hardiment et incontestablement que, malgré la gravité de la disette, il n’est pas possible à l’Angleterre d’envoyer, ni à la France, par exemple, de recevoir du café et du sucre en échange de blé, quand ces deux objets coûtent plus en Angleterre qu’en France. Quoi ! auraient-ils dit, s’imagine-t-on que nous enverrons en France une partie de café qui s’y vendra 100 l., après avoir coûté ici 105, tandis qu’en remettant 100 l. seulement, nous pouvons acquitter également la dette contractée pour l’importation du blé ? — J’ajouterai : pense-t-on que nous consentions à remettre, et la France à recevoir, si elle agit pour son propre compte, 100 l. en numéraire, quand 95 l. placées en café et exportées équivaudront à ces 100 l. au moment de l’arrivée de cet article en France ? On s’écriera peut-être que la France ne manque pas de café, que ses marchés en sont encombrés. Je l’accorde, mais la monnaie lui manque encore bien moins, puisque 100 l. st. en café y valent plus que 100 l. st. en numéraire. La seule preuve que nous puissions obtenir du bas prix relatif de la monnaie chez deux peuples, nous est fournie en la comparant avec les marchandises. Les marchandises indiquent la valeur de la monnaie, comme la monnaie sert réciproquement à les évaluer. Si donc les marchandises représentent plus d’argent en Angleterre qu’en France, nous pouvons dire à juste titre que la monnaie est moins chère en Angleterre, et qu’en l’exportant, loin de détruire son niveau, on le rétablit. Si, après avoir comparé la valeur relative du café, du sucre, de l’ivoire, de l’indigo et de toutes les autres marchandises d’exportation sur les deux marchés, je persiste à expédier du numéraire, ce sera le meilleur argument pour prouver que le numéraire est la marchandise la moins chère sur le marché anglais, mis en rapport avec les marchés étrangers, et qu’il constitue conséquemment l’article d’exportation le plus avantageux. — Où trouvera-t-on, pour prouver la surabondance et le bon marché relatifs du numéraire entre la France et l’Angleterre, un témoignage plus irrécusable que ce fait, qui nous montre qu’en France il s’achètera plus de blé, d’indigo, de sucre, de café, plus enfin de toutes les marchandises d’exportation ?

Les rédacteurs de la Revue pourraient me répondre, il est vrai, qu’ils n’ont pas prétendu que le café, le sucre, l’indigo, l’ivoire, fussent à plus bas prix que la monnaie ; ils peuvent avoir supposé que,