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C’est pour avoir voulu faire de l’émission du papier une œuvre presque surhumaine que l’on a fait surgir les rêveries étranges de MM. Muntz, Spooner, Salt, tous meneurs de l’Anti-gold-law league et de l’école de Birmingham. L’Anti-gold-law-league (ligue contre les monnaies d’or) est la mise en scène, l’action dont l’école de Birmingham est la théorie. Elle a pour principe que la monnaie métallique est une monnaie des plus dispendieuses, — ce qui est vrai ; qu’elle ne vaut que comme signe des valeurs, — ce qui est faux ; et qu’il est grand temps d’adopter comme agent unique de la circulation, un papier que l’État émettrait dans des proportions diverses, sans avoir égard aux besoins du commerce, — ce qui est tout simplement absurde et dangereux. Il y a plus, ce papier serait inconversible, vu que suivant ces séduisantes idées, la monnaie est chose purement conventionnelle, (sic). De sorte que la science monétaire serait une sorte d’alchimie, extrayant de quelques monceaux de papier, des monceaux de richesses. Le fanatisme est même allé si loin dans cette voie, qu’un adversaire de la conversibilité des billets en espèces donnait, il y a quelques années, de la monnaie métallique cette incomparable définition : — Le numéraire n’est qu’une monnaie de papier sagement conduite et renfermant une certaine proportion de métal. Cette certaine proportion de métal n’est-elle pas ravissante, et n’indique-t-elle pas vers quels étranges excès serait entraînée une société qui construirait pour ainsi dire, en papier peint, l’édifice de sa circulation ? Bien d’aussi extravagant n’avait été dit depuis le jour où l’on apprit dans la science ethnologique que les nègres sont une colonie de Tartares qui, dans leur émigration en Afrique, ont un peu changé.

Ni Ricardo, ni MM. Faucher, Chevalier, d’Audiffret n’arrivent à des systèmes aussi fantastiques. Ils savent fort bien quelles fonctions accomplit la monnaie ; mais en investissant l’État du rôle de régulateur de la monnaie, en lui accordant ce privilège impossible de resserrer et relâcher à volonté l’écrou des escomptes, de mesurer la dose du numéraire qu’il faut aux échanges, ils ont rêvé une organisation qui est devenue un véritable délire dans des imaginations moins fortes et moins élevées. Pour nous, voici comment se résume cette vivante question : — La conversion des billets en espèces, ou en lingots, suivant l’habile expédient de Ricardo, est une condition essentielle ; car le papier c’est l’ombre, l’or et l’argent sont la substance de la circulation. La base de tout le système des Banques, c’est la solidité du papier qu’elles escomptent ; la garantie de leurs engagements, c’est la réalisation du fonds social ; c’est un contact plus fréquent, plus intime avec les porteurs de billets. Ces bases assurées, le crédit d’un pays reste debout au milieu des plus fortes secousses ; mais si l’une d’elles manque, le crédit n’a plus qu’un avenir problématique et ne repose plus que sur un coup de dé.

Une gracieuse légende éclose dans ces siècles où la poésie était toute la science, les fabliaux toute la philosophie, une légende, donc, nous apprend