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veut bien appeler le crédit, les Banques constituent un certain nombre de monopoles dominés par un monopole central et suprême qui est la Banque de France, — la Banque d’Angleterre, la Banque d’Autriche et tant d’autres. Sans insister sur la tendance constante de ces privilèges commerciaux à passer entre les mains de l’État, à ne former qu’une seconde édition du trésor public, il est permis de croire que leurs opérations sont trop immenses, trop compliquées pour que la masse de la population puisse suivre les péripéties de la circulation avec quelque justesse ; de sorte que, malgré les bulletins hebdomadaires, la plupart des porteurs de bank-notes les prennent sur parole. À quoi leur servirait même de les refuser ? La loi est là pour colorer l’arbitraire, pour obliger le pays à recevoir, comme monnaie légale, des titres avilis ; et souvent même le préjugé prévaut sur la loi pour donner au papier non conversible une prime sur l’or, — ce qui s’est vu de tout temps.

Mais si autour des vastes administrations nécessaires pour alimenter la circulation des métropoles industrielles et commerciales, on crée librement une série d’établissements qui constitueront, dans les plus humbles districts, un fonds de commandite pour le travail, le contrôle que nous demandons et sans lequel il n’est pas de crédit possible, s’exercera facilement et efficacement. Les Banques agissant dans une sphère plus restreintes, jugeront mieux, seront mieux jugées, et auront, comme les Banques d’Écosse, le bilan moral et économique du pays où circulent leurs billets. Ayant à s’épancher sur un espace plus resserré, les émissions seront mieux réglées, et les classes laborieuses, pour lesquelles on redoute surtout les convulsions financières, sauront quel papier accepter et quel refuser. Une opinion publique se formera ainsi pour les Banques comme pour tant d’autres institutions ; et, en vérité, il faudrait être bien récalcitrant, bien oublieux des merveilles enfantées par la libre concurrence dans toutes les directions pour se méfier d’un système financier ainsi organisé.

Notre utopie à nous, en matière de Banques, serait de voir la circulation monétaire d’un pays, fortement étayée par les métaux précieux et par l’intelligente sécurité des escomptes, s’alimenter à quelques sources puissantes et se répandre de toutes parts comme un fleuve chargé d’or qui, s’écoulant de larges réservoirs, retomberait de cascade en cascade jusque dans les plus petites localités. Et pour que l’on ne pût craindre de voir ce beau fleuve s’altérer ou déborder, nous assoirions sur ses bords un contrôle public, nous instituerions une responsabilité réelle pour ceux qui en règlent le cours, nous confondrions ainsi, à force de publicité et de liberté, l’intérêt des Banques avec celui des populations ; en un mot, nous substituerions une sorte de démocratie du crédit au monopole plus qu’oligarchique qui règne et gouverne par le Stock-Exchange, par toutes les Bourses du continent et par les pachaliks financiers de nos modernes traitants. — Le crédit serait alors une puissance tempérée par le remboursement en espèces et par la responsabilité des actionnaires.