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mettre en danger les sommes versées par les actionnaires ne renverseraient-elles pas les frêles barrières qu’on leur opposerait sous forme de bills et de règlements ?

Et d’ailleurs où s’arrêtera votre intervention législative ?

Les billets de banque sont-ils donc les seules promesses qui circulent dans la société et qui laissent planer le vague de l’avenir sur les affaires ? Les lettres de change, mandats, billets à ordre, engagements de toute nature, ne forment-ils pas un total immense dans lequel les quelques centaines de millions que versent les Banques disparaissent comme disparaît le ruisseau dans le lit d’un fleuve ? Ces engagements ne se transmettent-ils pas de main en main, n’établissent-ils pas entre tous les membres d’une société une solidarité intime, ne font-ils pas enfin de la richesse collective une immense hypothèse, tantôt brillante et tantôt sombre ? Et croit-on que lorsque des effets de dix, de vingt, de quarante francs ne sont pas payés à l’échéance, l’ouvrier, le petit marchand qui les ont reçus ne sont pas plus rudement atteints que lorsqu’une Banque cesse de payer ses billets ? Lorsque ces institutions géantes ferment leurs caisses et tarissent les sources qu’elles versaient abondamment, il en résulte sans doute de douloureuses perturbations dans le crédit ; mais les esprits se rassurent, car le capital social répond des non-valeurs, comme l’a démontré, tout dernièrement encore, l’exemple des Banques de Liverpool et de Newcastle. Le mal est plus concentré, plus visible ; mais il n’est pas aussi profond, aussi invétéré que celui auquel une Banque expose un pays lorsqu’elle resserre ses émissions, et qu’elle produit, par ses oscillations journalières, ce qu’on pourrait appeler les affolements de l’escompte. Nous n’en voulons pour preuve irrécusable que la situation de l’Angleterre depuis un an. Les faillites ont frappé à coups redoublés sur les plus puissantes maisons ; les ateliers se sont fermés de toutes parts, les marchés sont restés encombrés de marchandises, les chemins de fer inachevés, et cependant la Banque d’Angleterre est restée inébranlable, inflexible. Elle a vu la tempête gronder à ses pieds, et des hauteurs de son monopole elle a distribué à ses actionnaires un dividende de 9%. Est-ce donc là le dernier mot de la science économique de lord Liverpool, de Robert Peel, de Ricardo, de MM. L. Faucher, d’Eichthal, Michel Chevalier, et les services qu’une Banque nationale doit rendre, se borneraient-ils donc à augmenter à propos le taux de l’escompte, à marchander chèrement un secours, à devenir d’autant plus timide et plus sévère que les circonstances exigeraient plus de concessions et plus de hardiesse ?

Dirons-nous cependant que la Banque d’Angleterre, par exemple, doive laisser tomber sa réserve au chiffre de 1,086,000 sh. comme en 1797, et se fier encore aux hasards de ces fameux billets de 1 sh. trouvés providentiellement dans une vieille boîte ? Non ; mais nous dirons qu’elle doit céder un peu au courant et non le refouler en vue de son salut unique : nous dirons qu’elle doit savoir oser un peu et prendre, s’il le faut, sa part du péril