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Adam Smith parle ici d’une hausse des salaires, mais c’est d’une hausse momentanée, provenant de l’accroissement des fonds avant qu’il y ait accroissement de population ; et il paraît ne pas s’être

    à dire que les profits doivent aller toujours en s’abaissant ; à déplorer la surabondance et l’avilissement des capitaux : il n’eut pas surtout prêté l’autorité de son nom, de sa forte intelligence, aux sectes sans nombre qui se sont abattues avec fureur sur l’économie politique, pour lui arracher, sous forme de formules dangereuses et désespérées, un acte d’abdication. Dernièrement encore, un écrivain, à l’imagination brillante, qui excelle à parer le clinquant de ses paradoxes d’un style puissant et coloré ; un penseur qui, plongé dans les abstractions transcendantales, ne s’aperçoit pas que dans les sciences comme dans la nature, à force de vouloir s’élever et planer, on arrive à des régions où le vide se forme, et où l’air manque aux poumons, comme là netteté à l’intelligence ; M. Proudhon, — pour le nommer deux fois, — a rangé cette dépréciation graduelle et fatale des produits et des valeurs au nombre de ce qu’il veut bien appeler les contradictions économiques. Il s’est extasié sur cette divergence de phénomènes, qui veut que tandis que la société s’enrichit par la multiplication des produits, elle s’appauvrisse par la dépression de leur valeur : et il a creusé cette anomalie, ou cette autonomie prétendue, avec un acharnement qu’il a pris pour de la profondeur, et qui est tout simplement de la naïveté. Il n’a pas vu, d’une part, que ce jeu des richesses sociales est la chose du monde la plus simple, la plus naturelle, et que la base de toutes les valeurs étant, ici-bas, le travail, il est évident, il est fatal que moins les frais de production d’une marchandise seront élevés, plus fléchira son prix courant, plus elle sera demandée, et plus la production s’agitera pour la répandre de toutes parts. Il n’a pas vu ; ensuite, ce qui était bien plus important et plus visible encore, que la société s’enrichit, loin de s’appauvrir, dès que la valeur des choses s’abaisse, parce que cet abaissement est le signe de leur abondance. Loin donc qu’il y ait anomalie dans cette grande loi de la valeur, il s’y trouve une harmonie salutaire, pleine d’enseignement, et qu’on fie peut méconnaître qu’à force d’arguties, de logomachie et de systèmes systématiques. Dans le fait, ce n’est pas de valeurs que vit la société ; c’est de blé, de vêtements, de meubles, et plus ces choses sont à bas prix, plus une société doit être réputée opulente, parce que plus elle est à même d’en distribuer les bienfaits à tous ses membres. La tendance actuelle de notre époque, de notre industrie, est précisément de réaliser ce beau programme, et de créer, pour ainsi dire, la démocratie des prix et des produits, au profit du consommateur, qui paiera moins cher les marchandises, — de l’ouvrier, dont le travail deviendra plus précieux, — du capitaliste, qui verra grandir ses débouchés. Qu’on mette, d’ailleurs, pour plus de sécurité dans le raisonnement, l’Angleterre, la France, l’Allemagne, la Hollande, qui comptent par milliards des richesses dont l’intérêt s’arrête à 6, à 5, à 4, à 3, ou même 2 % ; qu’on mette ces grandes nations en face de ces peuples où de maigres capitaux provoquent l’usure, et donnent des revenus douteux de 10, 20 ou 25 % ; qu’on fasse cette comparaison, et, quoi-qu’en dise Ricardo, aidé de M. Proudhon, le choix ne sera pas douteux. A. F.