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capital donné, rapporte mille quarters de blé, est imposée à 100 l., le blé haussera de 2 sch. par quarter, pour que le fermier puisse être

    leur progression géante les fortunes de nos modernes traitants ? qui n’aimerait mieux provoquer le découragement chez des millionnaires avides de nouveaux trésors, plutôt que devoir le malheureux canut en lutte avec le fisc ? Quant à l’inefficacité des impôts somptuaires, nous pourrions la réfuter d’un seul mot, en citant l’exemple de l’Angleterre et de quelques autres pays où le trésor prélève des tributs considérables sur la vanité et la frivolité des classes aisées : nous pourrions dire que quelques francs de plus ajoutés par l’impôt à des objets de luxe comme ceux dont nous avons déjà parlé, pèsent bien peu devant la fantaisie d’une grande dame, et qu’un impôt sur les perles n’eût pas empêché Cléopâtre d’en boire ni nos cantatrices d’en porter ; mais nous aimons mieux admettre le fait pour vrai et reconnaître que les revenus déserteraient les objets de haut luxe. Eh bien ! à nos yeux, la société devrait se réjouir d’un tel résultat : car les fonds qui servaient à commanditer les plaisirs et les soupers fins des grandes villes, s’adresseraient à des consommations plus sérieuses, plus vives, et iraient alimenter de vastes usines, de riches ateliers. Sans anathématiser le luxe, comme le fit l’excellent abbé Pluquet, il est permis de contempler sans douleur cette transmigration si peu probable des capitaux, et de songer qu’un jour pourrait venir où les trésors que la noblesse romaine dissipe dans les bals, les fêtes, les processions somptueuses, serviraient à défricher cette campagne de Rome d’où s’exhalent encore de nos jours, avec l’âme des vieux héros, tant de miasmes destructeurs.

    Et d’ailleurs le système actuel des impôts dans notre France régénérée et libérale ne réalise même pas le programme rétréci de nos adversaires. Ainsi le vin du pauvre acquitte à la barrière le même droit que le vin des plus riches gourmets ; la taxe sur les bestiaux étrangers pèse aussi lourdement sur les faibles épaules de l’ouvrier que sur les robustes ressources des classes aisées ; et le sel, que Dieu a jeté, comme la manne, en masses inépuisables sur nos côtes et dans les entrailles de la terre, le sel qu’on arrache aux malheureux paludiers, nous rappelle encore les plus mauvais jours de la gabelle, du quint et du requint. Des taxes oppressives, que toute l’indignation des cœurs honnêtes ne peut faire lever, privent l’indigent de cet aliment précieux et retardent les progrès de notre agriculture, tandis que le trésor prélève à peine quelques deniers sur les produits qui ornent les tables aristocratiques. Est-ce là de la justice, de l’égalité, nous le demandons ? et est-il encore besoin de prouver les scandales de ce régime, après les pages énergiques écrites par Ricardo, Sismondi, Say, à ce sujet ; après les protestations ardentes de la tribune et les émouvantes improvisations de MM. Rossi, Blanqui et Chevalier, au Conservatoire et au Collège de France ? Vous aurez beau dire que les impôts indirects se recommandent par une admirable souplesse, se paient par parcelles minimes aux époques choisies par le consommateur, et grandissent ou diminuent avec ses ressources : ce sont là des sophismes bons tout au plus à satisfaire les employés de l’octroi, les optimistes et les naïfs. Et d’abord, c’est une bien étrange souplesse que celle d’une institution qui s’aggrave chaque jour et ne s’allège jamais. Un ressort souple est celui qui se détend après avoir été tendu ;