Les religions même les plus grossières que nous fassent connaître
l’histoire et l’ethnographie sont déjà d’une complexité qui
s’accorde mal avec l’idée qu’on se fait couramment de la mentalité
primitive. On y trouve, non seulement un système touffu de
croyances et de rites, mais même une telle pluralité de principes
différents, une telle richesse de notions essentielles qu’il a paru
impossible d’y voir autre chose que le produit d’une assez longue
évolution. On en a conclu que, pour découvrir la forme vraiment
originelle de la vie religieuse, il était nécessaire de descendre par
l’analyse au delà de ces religions observables, de les résoudre en
leurs éléments communs et fondamentaux et de chercher si, parmi
ces derniers, il n’y en aurait pas un dont les autres dépendent et sont dérivés.
Au problème ainsi posé deux solutions contraires ont été données.
Il n’existe, pour ainsi dire, pas de système religieux, ancien ou récent, ou, sous des formes diverses, on ne rencontre côte à côte comme deux religions, qui, tout en étant étroitement unies, tout en se pénétrant même l’une l’autre, ne laissent pas cependant d’être distinctes. L’une s’adresse aux choses de la nature, soit aux grandes forces cosmiques comme les vents, les fleuves, les astres, le ciel, etc., soit aux objets de toute sorte qui peuplent la surface de la terre, plantes, animaux, rochers, etc. ; on lui donne pour cette raison le le nom de Ha~M)’MtKe. L’autre a pour objet les êtres spirituels, les
1. Extrait d’un livre en préparation sur Les Formes élémentaires de la pensée et de la vie religieuse.