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font d’ordinaire de l’effort. Elle est, comme on le remarque aisément, un peu étroite, et eux-mêmes se voient obligés dans certains cas de l’élargir. C’est ainsi qu’outre l’effort qui vient d’être décrit et qu’on peut appeler l’effort thoracique ou thoraco-abdominal, certains distinguent un effort abdominal ou expulsif. Longet donne de l’effort, dans son Traité de physiologie, la définition suivante qui s’applique à la fois à l’effort thoracique et à l’effort abdominal « L’effort consiste dans une contraction musculaire très intense, effectuée dans le but de surmonter une résistance extérieure ou d’accomplir une fonction qui est naturellement laborieuse ou qui l’est devenue accidentellement ».

Les physiologistes élargissent davantage encore, dans certains cas, leur conception de l’effort et ne considèrent plus comme absolument nécessaire, pour qu’il y ait effort caractérisé, l’occlusion de la glotte. C’est ainsi qu’ils admettront qu’il a y effort, et en cela ils sont d’accord avec le vulgaire, chez le cheval cornard porteur d’une canule trachéale et qui traîne une lourde voiture. Ils reconnaîtraient de même qu’il y a incontestablement effort chez l’homme qui, tout en marchant et respirant, porte un fardeau sur ses épaules.

La difficulté qu’éprouvent les physiologistes à maintenir dans toute sa rigueur leur définition ordinaire de l’effort, s’explique évidemment par le fait que cette définition ne s’accorde pas avec la conception vulgaire de l’effort et qu’ils se sentent obligés de tenir compte dans une certaine mesure de cette conception.

La conception des psychologues s’accorde, au contraire, entièrement avec celle du vulgaire. Pour eux, l’effort est une contraction musculaire intense. On peut, il est vrai, leur faire à ce sujet une objection et répéter, en s’adressant à eux, les paroles suivantes d’un physiologiste « Oui, l’effort est une contraction musculaire intense ; mais quel est le degré d’intensité nécessaire pour que la contraction mérite le nom d’effort ?. Sans doute nous reconnaissons avec tout le monde que des contractions musculaires d’une certaine intensité peuvent être effectuées sans que la respiration soit gênée en quoi que ce soit ; mais alors, pourquoi les faire rentrer dans l’effort, pourquoi leur donner un nouveau nom, si elles ne présentent rien de particulier que leur intensité relative et si aucun caractère différentiel ne les sépare de la contraction la plus faible des mêmes muscles »[1] ?

Remarquons cependant que les physiologistes introduisent aussi

  1. A. Le Dentu, Dict. de médecine et de chirurgie de Jaccoud, t. XII, 1870, pp. 426 et 427.