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Exacte et, quoi qu’on en dise, « instructive », cette analogie n’élucide pourtant pas beaucoup la question. On l’a remarqué, la matière sociale est surtout psychologique de sa nature ; elle consiste en pensées, désirs, émotions, etc. Et quant à l’organisation sociale, elle reproduit l’organisation psychologique plus encore qu’elle ne rappelle l’évolution biologique. La suite de cette étude nous en fournira la meilleure preuve. Le rapprochement établi entre une secte, par exemple, et un organisme à cellules identiques assemblées autour d’un seul centre commun, ne nous apprend presque rien sur ce qu’il nous importe surtout de connaître, c’est-à-dire sur la genèse de la secte, sur les satisfactions qu’y trouvent les affiliés, sur le genre de service qu’elle leur rend, sur ce qui fait, au fond, sa raison d’être. Le fanatisme, maladie sociale analogue, si l’on veut, à une dégénérescence organique, dérive d’un état mental particulier, et c’est à cette source qu’il est nécessaire de remonter.

Les sociologues qui prétendent substituer l’interprétation psychologique à l’interprétation biologique des faits sociaux ne donnent pas non plus une explication satisfaisante du fanatisme. Entre tous les auteurs, M. Baldwin est peut-être celui qui fournit les données les plus utiles à l’intelligence d’un phénomène qu’il n’a d’ailleurs ni décrit ni interprété d’une manière directe. Il y a profit à rappeler ici ses vues sur l’esprit foncièrement conservateur de « l’homme moyen » et sur l’influence conservatrice du sentiment religieux.

« L’homme moyen » est celui qui simple imitateur d’autrui, acquiert par absorption de modèles sociaux, les jugements et les sentiments qui font de lui un représentant convenable de son époque, un appui solide des institutions de son pays, un « porte-drapeau » de la société. Sa mission consiste, pour l’essentiel, à conserver les traditions, ces habitudes sociales indispensables au progrès de la race. Mais, s’il contribue ainsi au progrès, c’est sans le savoir, sans le vouloir, contre son propre gré. « Réduit à l’horizon borné dans lequel son éducation et sa docilité l’ont confiné… il déteste l’originalité des vues et plus encore celle des actions. Loin de trouver pénible de se conformer aux exigences sociales, il est tourmenté, au contraire, d’avoir à y manquer. » Bref, il représente cet esprit conservateur qui fait « de la stupidité une vertu, de l’invention un vice » et qui n’est, en définitive, qu’un des aspects multiples de la tendance générale à l’inertie.

Or, les religions positives favorisent l’esprit conservateur beaucoup plus que toutes les autres institutions sociales. « L’individu assez exceptionnel dans son devenir personnel pour s’élever à une conception de l’idéal religieux différente, quant à sa forme, de celle