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sollicite davantage, lequel motif sera nécessairement le motif supérieur (disons cependant qu’il ne faut rien préjuger sur les conditions de l’intelligence au moment où elle rend son verdict ; - pour cela voir les remarques ajoutées plus bas à titre d’explication). Chaque volition, ou (si on les comprend toutes sous le nom général de volonté) la volonté à son tour est donc un moment, si l’on préfère un effet de l’intelligence ; ou encore la volonté est un prolongement de l’intelligence, et la relation des deux termes est opérée par le sentiment de plaisir éveillé par l’intérêt intellectuel. « Id unus quisque ex legibus suae naturae necessario appetit, vel .aversatur, quod bonum vel malum esse judicat. » (Spinoza, Ethica. Pars IV, prop. XIX). 1 est tout aussi impossible de vouloir quelque chose qui ne vous intéresse pas (directement ou indirectement), que de s’intéresser à quelque chose qui vous est indifférent. Comme pour le sentiment nous concluons la volonté ne diffère pas qualitativement de l’intelligence, elle est un effet de l’intelligence et non pas une cause à côté et indépendante d’elle. < : Le « je veux » constate une situation, mais ne la constitue pas. )) (Th. Ribot, Maladies de la volonté,. Conclusion.) Toute autre explication de la volonté n’aboutit pas dire que nous sommes devant deux motifs qui tous deux peuvent être également choisis, c’est la liberté d’indifférence ; or comme on ne choisit pas sans raison, le choix n’aura pas lieu ; l’action est paralysée, condamnée d’avance. Et dire que la volonté peut aller contre la décision de la raison est tout aussi insoutenable ; car ou bien c’est l’intelligence qui décide et alors elle est en contradiction avec elle-même, ou bien il faut supposer à côté de l’intelligence une autre puissance, qui également et simultanément avec l’intelligence propose, cas échéant impose des motifs d’action. Mais c’est là d’abord détruire l’unité de l’homme. Et si l’on acceptait même cette hypothèse pour établir la liberté, on n’aboutirait encore pas ; la victoire appartiendrait en effet à la plus forte de ces deux puissances et l’homme resterait passif, à la merci de l’une ou de l’autre, sans qu’il ait rien à décider dans la lutte. Ou veut-on peut-être admettre une troisième puissance au-dessus des deux précédentes ? mais celle-ci à son tour serait dans la position de la première et ainsi à l’infini. D’ailleurs tout motif d’action pour mériter ce nom doit passer par la connaissance ; si on ne connaît pas les motifs, on ne peut pas se décider pour eux, fussent-ils innés ! leur influence ne commence que lorsque nous nous les représentons et pouvons peser leur valeur ; dès lors c’est toujours l’intelligence qui prononce en dernier ressort, de sorte que le choix n’est pas libre. Pour nous tout revient donc en dernière ligne à la connaissance ;