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OBSERVATIONS ET DOCUMENTS SUR LES PARAMNÉSIES




L’IMPRESSION DE « L’ENTIÈREMENT NOUVEAU » ET CELLE DU « DÉJA VU »




Ce n’est pas par amour de l’antithèse que je rapproche ces deux états contraires. Je les rattache à une même cause. Contrariorum eadem est scienta. J’ai décrit la fausse mémoire[1], d’après des observations prises sur le vif et détaillées par le menu ; j’étudierai par la même méthode le phénomène inverse.


I


À certaines époques de sa vie, lors de son mariage, lors de la mort de son père et de sa mère, X. s’est trouvée dans un état d’esprit particulier. Elle était, dit-elle, comme extérieure à sa vie, elle se regardait parler et agir, elle s’étonnait de ses paroles et de ses actes. Elle se disait : « Est-ce bien moi qui en ce moment reçois des visites dans mon salon, prononce des paroles banales, demande aux gens des nouvelles de leur santé, ris avec eux, pendant que mon vrai moi suit un autre cours de pensées, est tout entier sous l’impression du grand changement qui s’est fait dans ma vie ? Oui. C’est bien moi. Je me vois, je m’entends, mais j’assiste à ce que je fais comme s’il s’agissait d’une autre. Je ne.me reconnais plus. J’ai l’impression de l’étrange, de l’inconnu en face de la réalité actuelle. Je ne peux situer mes sensations nouvelles dans mon moi ancien. Le présent me

  1. Voir le numéro de janvier 1894.