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ci une intelligence satisfaisante, il est nécessaire de montrer comment les phénomènes qui en sont la matière concourent entre eux de manière à mettre la société en harmonie avec elle-même et avec le dehors. Sans doute, la formule courante, qui définit la vie une correspondance entre le milieu interne et le milieu externe, n’est qu’approchée ; cependant elle est vraie en général et, par suite, pour expliquer un fait d’ordre vital, il ne suffit pas de montrer la cause dont il dépend, il faut encore, au moins dans la plupart des cas, trouver la part qui lui revient dans l’établissement de cette harmonie générale.


II


Ces deux questions distinguées, il nous faut déterminer la méthode d’après laquelle elles doivent être résolues.

En même temps qu’elle est finaliste, la méthode d’explication généralement suivie par les sociologues est essentiellement psychologique. Les deux tendances sont solidaires l’une de l’autre. En effet, si la société n’est qu’un système de moyens institués par les hommes en vue de certaines fins, ces fins ne peuvent être qu’individuelles ; car, avant la société, il ne pouvait exister que des individus. C’est donc de l’individu qu’émanent les idées et les besoins qui ont déterminé la formation des sociétés et si c’est de lui que tout vient, c’est nécessairement par lui que tout doit s’expliquer. D’ailleurs il n’y a rien dans la société que des consciences particulières ; c’est donc dans ces dernières que se trouve la source de toute l’évolution sociale. Par suite, les lois sociologiques ne pourront être qu’un corollaire des lois plus générales de la psychologie ; l’explication suprême de la vie collective consistera à faire voir comment elle découle de la nature humaine en général, soit qu’on l’en déduise directement, sans observation préalable, soit qu’on l’y rattache après l’avoir observée.

Ces termes sont à peu près textuellement ceux dont se sert Auguste Comte pour caractériser sa méthode. « Puisque, dit-il, le phénomène social, conçu en totalité, n’est, au fond, qu’un simple développement de l’humanité, sans aucune création de facultés quelconques, ainsi que je l’ai établi ci-dessus, toutes les dispositions effectives que l’observation sociologique pourra successivement dévoiler devront donc se retrouver au moins en germe dans ce type primordial que la biologie a construit par avance pour la socio-