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faute de la saisir suffisamment. Quant à moi, je ne la pénètre qu’à la lumière des principes usuels de la géométrie.

Sans doute une demi-droite indéfinie étant donnée sur un plan, engendre tout le plan en tournant autour de son origine O ; pourquoi ? — parce qu’on la maintient sur le plan, et que de cette façon elle ne peut qu’engendrer le plan. Mais cela ne nous apprend rien du tout. On l’engendrerait tout aussi bien en y faisant tourner une branche d’hyperbole, de parabole, de conchoïde, etc. Pour engendrer la pseudosphère, il n’y a nulle nécessité de prendre une géodésique. Ce n’est que trop évident puisque la pseudosphère, comme le plan, est supposée non seulement possible mais donnée. Le théorème ne fait ainsi que tirer une des conséquences impliquées directement dans une définition qui suppose un postulat, ainsi qu’il a été montré plus haut.

Mais autre chose est tirer une conséquence d’une définition, et autre chose est de nous faire voir la figure définie en nous fournissant un moyen de la construire, à tout le moins, de nous l’imaginer ou de la concevoir. Car il ne faut pas perdre de vue qu’il est question ici non d’analyse mais de géométrie spatiale, et que l’espace est le réceptacle des objets sensibles. Toutefois ne faisons plus état de l’objection capitale tirée du postulat impliqué dans la définition de la surface identique, postulat qui seul justifie sa génération par la rotation d’une géodésique quelconque, et voyons si ce mode de génération nous donnera une idée suffisamment nette de la chose à construire.

Il n’est pas contestable que, connaissant ce qu’est une droite, on se représente sans difficulté la forme de la surface engendrée par une droite tournant autour d’un point et s’appuyant sur une autre droite. Mais se représente-t-on aussi facilement la génération d’un vulgaire cône de révolution par la rotation d’une géodésique (ligne de plus court chemin changeant sans cesse de forme) autour d’un point de la surface ? Et si l’on voulait se faire par là l’idée d’un cône, y réussirait-on ? Nullement, puisqu’on ne saurait pas d’après quelle loi il faudrait déformer la géodésique. À plus forte raison est-on impuissant à se représenter par ce moyen la pseudosphère. M. Lechalas, il est vrai, — et peut-être est-ce là ce qu’il me répondrait — n’énonce qu’un théorème concernant les surfaces continues quelconques, spécifiées comme étant identiques à elles-mêmes.

On remarquera que M. Lechalas, après avoir mis dans son théorème la demi-géodésique, parle de géodésique dans sa démonstration. Cependant si l’on fait tourner une géodésique indéfinie dans les deux sens autour d’un même point O, il s’agit de s’assurer que