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ce qu’est une demi-géodésique ? Une demi-droite est terminée par un point d’un côté, et est indéfinie de l’autre. Mais qu’est-ce qu’une demi-géodésique sur une sphère ? Serait-ce la demi-circonférence, terminée par deux points diamétralement opposés ? Quant à la demi-géodésique de la pseudosphère, nous en dirons un mot plus loin. Voyons toutefois la démonstration.

« La géodésique peut se mouvoir sur la surface autour de son origine O, en vertu de la définition de la surface identique à elle-même. D’autre part, tout point de la surface détermine une géodésique passant aussi par le point O, d’où il résulte que, quand la géodésique décrit tous les mouvements possibles dans la surface autour de O, elle passe par le point considéré dans une de ses positions.

« La rotation de la géodésique autour de O s’opère d’ailleurs d’une façon continue, et, pour revenir à sa position première, cette ligne n’a besoin d’opérer aucun mouvement en sens inverse du mouvement initial, car la définition de la surface identique à elle-même ne comporte aucune différence entre ses diverses parties, ce qui laisserait sans raison suffisante[1] la nécessité d’une discontinuité ou (l’un retour à partir d’une position quelconque. En vain objecterait-on qu’une rotation complète pourrait laisser non décrite une autre nappe, car s’il y avait plus d’une nappe, les géodésiques joignant les points de deux nappes différentes appartiendraient, elles aussi, à la surface qui serait en réalité un espace à trois dimensions. »

Observation. J’ai souligné les expressions qui auraient grand besoin d’être définies, notamment celle de nappe, qui nous lance dans la géométrie des espaces et qui fait dire à M. Lechalas, avec raison d’ailleurs, que la surface serait en réalité un espace à trois dimensions, puisque pour joindre deux points appartenant à deux nappes différentes, il faudrait sortir de la surface. Je ne m’arrête pas à l’intervention — ici certes inattendue — de la raison suffisante dont l’application, mal entendue, peut aboutir, déjà en mécanique, à des conséquences singulières, et qui, bien entendue, simplifierait au delà des limites permises mêmes la géométrie ordinaire[2]. Mais tout le monde conviendra que cette longue démonstration est très entortillée et qu’il est bien difficile de la suivre sinon de la comprendre.

J’ai demandé à des amis, docteurs et professeurs en sciences mathématiques, de la contrôler ; tous m’ont dit n’avoir pu le faire

  1. Souligné dans le texte.
  2. Exemple : un triangle où deux bissectrices sont égales, est nécessairement un triangle isocèle.