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de suite. Il y a d’ailleurs une géométrie qui procède d’une façon analogue. Mais on voit tout de suite que, pour qu’on puisse dire d’une circonférence que c’est une ligne définie par trois de ses points, il faut qu’on donne sa loi de génération. Un triangle aussi est défini par trois points, si l’on entend que ces points sont les trois sommets. Une ellipse l’est aussi, s’il est entendu que deux des points sont les foyers, et le troisième un point de la courbe. C’est donc une loi de génération qui devrait venir compléter la définition de la droite. En somme, cette loi a été pour ainsi dire formulée par Euclide quand il a dit que la ligne droite est celle qui est semblablement placée entre ses points. Au moins nous voilà fixés ; nous savons qu’il nous faut placer le troisième point semblablement par rapport aux deux autres. Mais si c’est pour aboutir à ce résultat, il ne valait pas la peine de rejeter Euclide.

Que la loi de génération soit un complément indispensable, implicite ou explicite, de cette définition de la droite, c’est ce que l’on voit quand on songe que, sur une sphère, il n’y a pas que l’arc de grand cercle qui soit déterminé par deux points, la loxodromique est dans ce cas du moment que sa loi de génération est connue. Il y a mieux encore : est-ce qu’une parallèle, un plan parallèle, même, dans certains cas, une tangente, ne sont pas déterminés par un seul point ? Pourquoi ? parce qu’il y a une loi de génération impliquée dans les termes mêmes de tangente et de parallèle ?

La définition préconisée est donc insuffisante. Au fond cependant, cette définition de la géodésique n’est inventée que pour éviter de tomber sur la définition ordinaire de la ligne droite. De là vient que l’on a dû introduire un adverbe généralement, qui semble emprunté aux grammaires et que l’on ne rencontrerait peut-être pas dans tout Euclide. Il a pour but de réserver le cas ou, sur une sphère, les deux points donnés sont les extrémités d’un même diamètre. Cette restriction doit s’étendre à toutes les surfaces de révolution dont la génératrice se termine sur l’axe — tel un œuf — et dont quelques-unes sont des surfaces sphériques.

Mais ne nous attardons pas à ce malencontreux adverbe et poursuivons notre critique. La définition conviendra-t-elle mieux à la géodésique de la sphère ? Nullement. Les deux points donnés, saurons-nous mieux nous tirer d’affaire quand il s’agira de placer le troisième ? Notre embarras sera même plus grand ; car, sur une sphère, par deux points passent deux arcs de grand cercle — faisant partie du même grand cercle, je le veux bien. Mais sur le cylindre, fût-il à base circulaire, par deux points passent deux géodésiques faisant partie de deux hélices différentes suivant qu’on tourne à droite