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Le travail de M. Calinon date de 1888 ; il est intitulé Étude sur la sphère, la ligne droite et le plan[1]. Celui de M. Lechalas a paru dans les Nouvelles annales de mathématiques (décembre 1891), et il a pour titre Quelques théorèmes de géométrie élémentaire. M. Lechalas fait état des études de M. Calinon, admet comme acquises certaines propositions de son devancier et initiateur, et adopte ses définitions, qui sont du reste les définitions courantes.

Je ne songe pas, comme je viens de le dire, à me livrer ici à une discussion complète de ces deux études, généralement ignorées des lecteurs à qui je m’adresse. D’ailleurs, pour établir ma thèse à suffisance de preuves, je n’aurai besoin que d’examiner à fond les définitions et en outre le premier théorème de M. Lechalas.

« Une surface, disent ces deux auteurs, est identique à elle-même quand toute figure qui est située sur elle, peut y être déplacée d’une façon quelconque sans déformation. »

Rigoureusement parlant, il n’y a que le plan et la sphère, surfaces que j’ai appelées isogènes, qui rentrent dans cette définition. Mais les métagéomètres leur assimilent — et ils en ont le droit — les surfaces développables, dérivées du plan, telles que le cylindre et le cône, les surfaces sphériques dérivées de la sphère, et en outre la pseudosphère ainsi que les surfaces pseudosphériques qui en proviennent. Cela a été dit précédemment. Ainsi, selon ma terminologie prise à la lettre, un cylindre droit à base circulaire n’est pas une surface isogène, bien qu’une figure quelconque puisse s’y déplacer suivant deux directions sans altération, et cela parce qu’on ne pourrait pas y faire tourner même une ligne droite sans la déformer. Mais suivant la terminologie des métagéomètres, c’est une surface identique à elle-même, parce que, pour eux, une figure est censée ne pas se déformer lorsque, pour la transporter sur la surface ou une surface différente, il n’est pas nécessaire de modifier ses dimensions intérieures, c’est-à-dire de la plier ou de la déchirer, ni de l’étendre ou de la resserrer. C’est ainsi, a-t-il été dit, qu’un habit taillé dans un plan, peut se placer sans se déformer sur toute espèce de surface conique ou cylindrique.

Nous pourrions remarquer tout d’abord que le plan et aussi la sphère sont des surfaces d’intuition, et que l’esprit ratifie promptement la définition qu’on en donne. Mais on n’en peut dire autant des surfaces dérivées, telles que les surfaces développables et certaines surfaces sphériques comme celles que l’on obtient en roulant une

  1. Nancy, Berger-Levrault et Cie. Voir du même auteur son Introduction à la géométrie des espaces à trois dimensions (Paris, Gauthier-Villars et fils, 1891).