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s’il en fût. Car il croit indispensable de démontrer comme quoi les angles droits sont égaux (proposition évidente par définition, et admise par Euclide comme axiome ou postulat) et comme quoi une droite ne peut couper un cercle en trois points (liv. II, prop. III). Qu’on essaie donc de se représenter une droite coupant un cercle en trois points et qu’on voie s’il n’est pas plus facile d’imaginer qu’entre deux points il y ait plusieurs plus courts chemins.

On a donné d’autres définitions de la droite : celle qui ne sort pas d’elle-même quand on la fait tourner autour de deux de ses points — la ligne de direction constante — celle qui est semblablement placée entre ses points — d’autres encore.

Cette dernière est celle d’Euclide. « Cette définition semble obscure, dit M. Renouvier[1], parce qu’elle est concise ; mais comment exprimer plus exactement la forme d’une direction pure dans l’espace. » Pour M. Renouvier donc cette définition d’Euclide revient a la précédente. Je ne puis m’empêcher de penser que ce qui semble obscur est quelque peu obscur, et que si elle revient à la précédente, celle-ci vaut mieux.

D’ailleurs, elle est peu précise, car elle contient le terme non défini de semblable. Et puis, comment placer la droite semblablement entre ses points ? Ce serait déjà assez difficile de la placer semblablement entre deux de ses points, et quand on donne deux de ses points elle est toute placée, comme l’implique la première des demandes qu’on va lire.

Quoi qu’il en soit, cette définition, Euclide la flanque de trois demandes, ou, selon certains manuscrits, de deux demandes et d’un axiome, à savoir : 1° Que d’un point à un autre on puisse toujours mener une ligne droite ; 2° Qu’une droite finie puisse être prolongée indéfiniment suivant sa direction ; 3° Que deux droites ne puissent renfermer un espace.

On remarquera que cette dernière demande est pour le fond identique avec l’axiome de Legendre que d’un point à un autre on ne peut mener qu’une ligne droite, ou, plus exactement, que deux droites qui ont deux points communs coïncident.

Ces demandes sont visiblement des théorèmes qu’Euclide se déclare impuissant à démontrer ; et l’on saisira sans peine leur analogie avec les demandes ou théorèmes concernant les parallèles.

Nous avons vu en effet que la définition des parallèles (droites qui ne se rencontrent pas) avait besoin d’être complétée par deux propositions telles que celles-ci : 1° que par un point on puisse tou-

  1. Op. cit., p. 7.