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Passant ensuite à la doctrine immatérialiste et à la monadologie, M. H. leur reproche d’être obligées de recourir aux théories insoutenables des causes occasionnelles et de l’harmonie préétablie pour remplacer l’hypothèse d’une causalité transcendante dans l’espace dont elles nient l’existence. Bien que le spiritualisme immatérialiste soit encore tenu de remplacer la perception par l’hallucination, il répond cependant aux exigences morales et pratiques les plus impérieuses. Cependant on ne saurait l’admettre, car il est aussi illégitime de considérer les esprits comme choses en soi et de refuser cette qualité aux corps, que d’accorder aux corps la qualité de choses en soi et de la refuser aux esprits. L’inconséquence du spiritualisme immatérialiste se montre encore en ce qu’il veut tracer des limites précises dans les choses en soi spirituelles, alors qu’il n’y en a pas. Qu’est-ce qu’un esprit semblable au mien ? Est-ce l’enfant qui joue, le nourrisson qui ne parle pas encore, l’embryon ou l’œuf fécondé ? Est-ce le Hottentot, le Papou, le crétin, l’idiot et le fou ?

La réponse à cette difficulté se trouve dans la monadologie. Les monades ne diffèrent entre elles que par la pauvreté ou la richesse de leur contenu idéal et de ses lois, et par l’intensité du vouloir ou de l’énergie dynamique. Une question capitale pour la théorie de la connaissance dans la monadologie, c’est celle de savoir s’il y a une causalité transcendante et réciproque des monades et, s’il y en a une, comment on doit la comprendre. S’il n’y en a pas, il faut revenir à l’harmonie préétablie. Si une telle causalité existe, sera-ce une fonction consciente ou inconsciente qui l’accomplira ? Ce sera évidemment une fonction inconsciente. La causalité est une manifestation de force, par laquelle la monade déverse une partie de sa force dans la sphère des autres monades. Nous avons maintenant une monadologie qui soutient l’influx physique. Mais nous sommes alors en présence d’une autre difficulté. Quel sera le principe d’individuation ? Pour les monades supérieures, ce sera l’organisme, le système dynamique des atomes primitifs. Quel sera-t-il pour les monades primitives, pour les derniers éléments de la matière, si ces atomes ne sont pas identiques en qualité et en intensité ? Ils ne peuvent se distinguer que par des différences dans l’influx physique. Or on ne peut admettre que trois sortes de différences : 1° l’opposition ou la différence d’indice dans une ressemblance qualitative ; 2° une différence d’intensité dans une similitude de même sens ; 3° une différence dans les signes locaux sous une similitude de même sens et de même intensité. L’intensité de la manifestation de force d’un atome primitif sur un autre est une grandeur variable dont la valeur en chaque cas particulier dépend d’une autre grandeur variable. Cette seconde grandeur variable est la distance (Abstand). Mais cette distance a besoin d’un corrélatif transcendant dans le monde réel. Deux grandeurs mathématiques doivent toujours être admises comme ayant une existence transcendante afin que l’on puisse admettre une relation régulière entre elles. D’autre