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ANALYSES. ZIEGLER. La question sociale, etc.


Ziegler. La question sociale est une question morale, traduit par G. Palante. 1 vol. in-18, Paris, Alcan, 1893.

Le titre seul de l’ouvrage de M. Ziegler en résume le contenu. L’auteur s’efforce de définir en termes précis la question ouvrière et d’en chercher la solution dans le développement de l’esprit social, en dehors des utopies législatives et politiques.

Aux yeux de l’auteur, deux problèmes inséparables constituent la question sociale l’un est la question ouvrière, l’autre est la question des femmes Celle-ci contribue à aggraver la première. La loi d’airain, la loi qui condamnerait l’ouvrier manuel à gagner seulement sa subsistance réduite au strict nécessaire, ne sévit pas sur la totalité des salariés. Les ouvriers instruits dans un métier y échappent. Il n’en est pas de même des manouvriers. Dénués d’instruction, étrangers à tout esprit d’association, ils forment c une masse inorganique », une « armée de réserve du capital o vouée à la plus noire misère. De même, il existe une question des femmes, question complexe et présentant deux aspects bien différents. Les classes cultivées s’attachent à faire de la femme un être frêle et oisif, étranger à l’activité sociale, voué à des soucis puérils, exclu d’ailleurs de toute vraie culture intellectuelle. Dans les classes laborieuses au contraire, nous voyons les femmes assujetties aux mêmes travaux que les hommes, nonobstant l’infirmité de leur sexe. Grâce aux femmes de cette classe, l’armée de réserve du capital est sans cesse largement recrutée. La docilité de la femme a permis de l’opposer comme une concurrente à son mari. Dans cette lutte, la famille ouvrière a risqué de se dissoudre. Au lieu de travailler l’un pour l’autre, on a travaillé l’un contre l’autre et ce qui devait diminuer la lutte pour la vie l’a rendue plus âpre que jamais.

L’existence d’une armée de réserve du capital, masse humaine inorganique, tel est le fait brutal qui pose la question sociale. Pour la doctrine individualiste, ce problème est insoluble. Dans de telles conditions, que devient en effet la personnalité humaine ? « L’individualisme libéral peut se définir une conception mécanique du monde. Il s’en faut de beaucoup que ce caractère lui soit essentiel. L’individu dans son fond élève une protestation irrésistible contre tout mécanisme destructeur de l’individualité. Là est la source de sa force comme le principe de son droit. C’est ce que le libéralisme n’a pas compris et par suite il ne s’est pas compris lui-même. Là est sa contradiction interne. « Comment en effet se représente-t-il l’humanité ? comme un agrégat d’individus, atomes sociaux identiques en nature, impénétrables et égaux les uns aux autres. Leurs agglomérations sont purement accidentelles et éphémères, car elles ne reposent que sur un contrat arbitraire. » Or, transportons l’individualisme dans le domaine économique. Que voyons-nous ? C’est que « t’e/~et rée~ de la libre concurrence est cHrectement oppose à son principe tdéa !. Celui-ci était que les hommes étant naturellement égaux ont un