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ANALYSES ET COMPTES RENDUS



Ch. Huit. La vie et l’œuvre de Platon, 2 vol. in-8 ; Paris, Thorin et fils, 1893. 506 + 478 pages.

Il est facile d’écrire, même deux volumes, sur Platon ; il ne l’est point de les composer en sorte qu’ils soient utiles en tous cas, même après la lecture de l’œuvre du Maître ; c’est le problème qu’a heureusement résolu M. Huit, en nous parlant précisément de ce qu’on ne trouve pas dans les Dialogues, à savoir de la vie de Platon, du mode de la publicité que reçurent les écrits, des questions d’authenticité que soulèvent tous ceux qu’on lui attribue et des diverses solutions proposées à ce sujet ; de l’ordre chronologique, enfin des manuscrits et des principales traductions[1]. Le noyau de ces deux volumes est un mémoire couronné en 1837 par l’Académie des sciences morales et politiques ; l’ouvrage publié a sa place désignée dans toutes les bibliothèques philosophiques, car il y comblera une lacune.

J’avoue que j’ai eu une certaine déception en lisant les trois cents pages consacrées à la vie de Platon ; je connaissais surtout M. Huit par les attaques qu’il a dirigées contre l’authenticité du Sophiste, du Politique et du Parménide ; je m’attendais donc à trouver dans son récit quelque thèse nouvelle, quelque paradoxe habilement soutenu. Au lieu de ce que j’espérais, je trouve l’érudition la plus complète et la plus irréprochable, d’ailleurs sans étalage abusif, unie à la critique la plus prudente et la plus judicieuse pour me démontrer ce dont j’étais convaincu pour ma part, que, sur les événements de la vie de Platon, nous ne savons que très peu de chose de positif et que la plupart des assertions que l’on trouve couramment répétées sont au moins sujettes à caution. Ne prenons qu’un exemple, le voyage à Cyrène. Certes, il n’y a rien d’impossible à ce que Platon se soit arrêté dans cette colonie grecque, soit en allant en Égypte, soit en revenant. Mais comment Ed. Zeller, pour ne pas parler des autres, n’avait-il pas remarqué avant M. Huit que les garants de ce voyage le relient à l’enseignement mathématique que l’on fait donner à Platon par Théo-

  1. Ces deux derniers appendices, sur lesquels je ne puis m’étendre, sont particulièrement intéressants et leur introduction, dans un ouvrage de ce genre, constitue une innovation qu’on ne saurait trop louer.