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Les effets mécaniques dans l’espace ont toujours, comme tels, pour conditions immédiates d’autres effets mécaniques dans l’espace, qui, ici, sont des mouvements cérébraux. L’idée n’intervient jamais physiquement et de manière à faire brèche au mécanisme universel. Le mouvement est déjà là quand la sensation et la pensée se produisent, et ce mouvement ne peut cesser ; il passe donc nécessairement d’une cellule à l’autre. S’il ne se dépense point à réveiller d’autres idées ou sentiments, il se dépense à remuer les muscles. Ou plutôt, ces deux effets sont toujours simultanés, mais à des degrés divers, qui déterminent ou une attitude plus proprement idéation-nelle, ou une attitude plus proprement volitionnelle. Tout dépend : 1° de la direction du mouvement, qui peut avoir pour but une action cérébrale, comme quand on cherche à se souvenir, à raisonner, etc., ou une action musculaire, comme quand on veut soulever un poids ; 2° de son degré d’énergie, qui peut vaincre ou ne pas vaincre la résistance opposée par les muscles et, en général, par l’ensemble de mouvements contraires qui empêchent les idées de remuer sans cesse tous les membres comme des fils tirant une marionnette.

On dira peut-être que la volonté, avec la force qu’elle confère aux idées, est seulement le reflet mental du mouvement réactif accompli par l’organisme. Mais, parler ainsi, c’est passer du point de vue psychologique et physiologique au point de vue philosophique et métaphysique, je veux dire au problème des rapports généraux entre le mental et le physique. Si l’on veut dire simplement que notre conscience de désirer est parallèle au mouvement réactif du cerveau, rien n’est plus certain, et nous soutenons tout le premier que le désir ou le vouloir a toujours son expression physiologique. Mais, si on ajoute que c’est le mouvement réactif du cerveau qui est la réalité dont le désir serait un simple reflet, on avance une théorie philosophique à laquelle, pour notre part, nous en opposerons tout à l’heure une autre, à savoir que c’est le désir mental qui est la réalité dont le mouvement cérébral est la manifestation dans l’espace pour un spectateur du dehors. Au point de vue strictement physiologique, il y a un processus d’excitation centripète et de réaction centrifuge ; au point de vue strictement psychologique, il y a de même sensation reçue et impulsion, expérience interne de passivité et expérience interne d’activité. Donc, au point de vue positif de l’expérience, abstraction faite de toute spéculation philosophique, nous avons le droit de conclure qu’il existe un fait original appelé le vouloir, lequel est à la fois inséparable et distinct de tout fait de discernement.

1. M. Danville. Article cité, p. 392.