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de conscience les rendent tantôt plus passifs, tantôt plus actifs, tantôt plus excitateurs, tantôt plus dépressifs, de même, physiologi-quernent, il y a dans tous les mouvements cérébraux et nerveux des effets essentiellement sensoriels et moteurs, et accidentellement excitateurs ou inhibiteurs.

1. M. Bastian admet, comme nous, que le sentiment d’effort « est lié au conflit d’idées et de motifs qui préi-ède la prépondérance de l’un d’entre eux » ; il ajoute contre Bain et —M. Ribot : « 11 n’y a aucune bonne raison de croire que l’action des muscles ait quoi que ce soit à faire avec la production de ce sentiment d’effort. » II ajoute encore avec raison que, dans le cerveau même, rien n’assure l’exi>tence de centres spécifiquement moteurs. D’où provient donc le sentiment d’effort ? « 11 doit être partout, répond-il, l’apanage des centres sensoriels et de leurs annexes, concourant à l’exercice de nos processus intellectuels. » Fort bien ; mais, selon nous, cet « apanage » tient à ce que. les contres sensoriels sont eux-mêmes indivisiblement appétitifs et moteurs. Au point de vue psychologique, nous l’avons vu, aucune setisation n’est vraiment indifférente et sans appétition ; au point de vue physiologique, aucun centre ne se borne à recevoir du mouvement sans en restituer.


Nous pouvons conclure, avec M. Bastian, que les phénomènes de la volition ne sont pas l’œuvre d’une faculté spéciale, d’une mystérieuse entité, d’une volonté comme être séparé ; nous pensons-aussi qu’ils ne sont pas accomplis dans des centres spécifiquement moteurs ; nous accordons même qu’ils sont « une simple transcription en action de l’intellect » et de ses idées ; mais, dans l’intellect et dans les idées nous reconnaissons la réaction appëtitive, qui, du côté physiologique, est une restitution de mouvement transformé par l’organisme, non une réception passive d’impressions externes. Au point de vue de la psychologie, une idée est un système de sensations et d’appétitions à l’état naissant, c’est une direction plus ou moins consciente que prend la vie sensitive et appétitive, c’est comme un courant mental ; d’autre part, au point de vue physiologique, l’idée a constamment pour expression au dehors une direction que prennent les vibrations cérébrales, un courant cérébral qui en est la réalisation plus ou moins complète. Aussi peut-on dire que tout état de la conscience et de la pensée est doublement actif et objectif : 1° en ce que, par ses conditions cérébrales, il tend à produire un effet réel dans le monde des objets extérieurs, ou, pour mieux dire, en ce qu’il y produit nécessairement un effet quelconque, un mouvement ou arrêt de mouvement, soit visible au dehors, soit invisible et intestin ; 2° en ce que ce même état de conscience est toujours pour nous représentatif de quelque objet, toujours extériorisé et projeté dans un monde réel, jamais conçu comme isolé dans un moi sans fenêtres et sans action sur le dehors. Toute image qui est seule dans l’esprit implique donc un mouvement réel au dehors et est projetée au dehors : il y a réalisation de l’image et croyance à sa réalité.

Au point de vue physiologique, la force des idées ne consiste pas dans une action qu’elles exerceraient mécaniquement, mais dans la loi nécessaire qui unit tout état de conscience distinct, toute « idée » au sens cartésien, à un mouvement conforme, lequel, s’il n’est pas empêché, réalise l’idée au dehors. Nous ne croyons donc pas que Vidée de tirer « un coup de pistolet », par exemple, agisse sur le cerveau comme le doigt agit sur la détente. Nous ne saurions non plus accorder l’influence prétendue « indéniable de la partie mentale des phénomènes psycho-physiologiques sur leur partie physique1 ».