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des philosophes, a presque toujours été de subordonner l’une de ces deux catégories de lois à l’autre. De là sont nées deux doctrines opposées le vitalisme qui, considérant les lois morphologiques comme primordiales, plaçait dans le vivant un principe formel capable de détourner au profit de ce vivant le cours naturel des phénomènes de la matière tel que l’eussent donné les lois physicochimiques, capable, par conséquent, d’entrer en lutte avec ces lois et de les abolir ; et le matérialisme qui, ne pouvant admettre d’infractions au déterminisme physico-chimique, et supposant, d’accord en cela, au fond, avec le vitalisme, que ce déterminisme doit être tout, sous peine de n’être rien, fait dériver la morphologie du vivant des lois générales de la matière.

Le vitalisme est une doctrine que la science condamne. Il ne nous appartient point d’entrer dans le détail des raisons sans réplique par lesquelles la science contemporaine a établi que la matière brute et la matière vivante ont même composition, et qu’aucune force ne saurait soustraire la seconde à l’action des lois absolues qui régissent la première nous n’avons qu’à prendre acte, et à constater que le vitalisme n’a plus à venir en discussion.

Le matérialisme n’a pas contre lui, comme le vitalisme, la science positive, ou du moins, il ne l’a pas au même degré ; il ne nie pas les droits de la science ; il ne l’empêche pas d’exister, comme faisait le vitalisme ; mais il constitue une hypothèse que la science ne vérifie pas, qu’elle ne suggère pas, et même à laquelle elle répugne absolument ; en quoi l’on peut dire qu’il est antiscientinque. La physiologie, en effet, reconnaît à l’être vivant comme lui appartenant en propre, cinq caractères principaux, qui sont -t° l’organisation ; 3" la génération ; 3" l’évolution ;~ la nutrition ; 5° la caducité, la maladie et la mort 1. Comment comprendre que les lois physicochimiques puissent déterminer chez les êtres vivants de tels caractères

? Qui dit organisation, par exemple, dit un plan donné d’avance, 

et conformément auquel doivent s’ordonner les phénomènes dont l’ensemble constitue la vie. Mais les lois physico-chimiques sont aveugles et brutales là où elles règnent seules, au lieu d’un ordre et d’un concert, il ne peut y avoir qu’incohérence et chaos. La génération, l’évolution, la nutrition se comprennent de même lorsqu’on les rattache à l’idée d’un plan organique, mais l’action des lois physico-chimiques ne suffirait pas à les expliquer ; et, ce qui le prouve bien, c’est que dans les corps bruts, sur lesquels ces lois règnent seules, on ne rencontre jamais aucun de ces caractères. Du 1. Voir CI. Bernard, T.ej’otMSM ;’ ~p~KomeKM de la vie, t. I.